Laissez-moi vivre ma vie de femme

Si l’on parle souvent d’orientation sexuelle, l’identité sexuelle elle, reste encore un sujet tabou. Naître dans un corps d’homme qui n’est pas le sien marque souvent le début d’un long combat pour finalement, et dans le meilleur des cas, pouvoir s’assumer et être enfin soi-même. Rencontre avec Amour, au parcours exceptionnel.

« Coming out », acceptation de la famille, consultations médicales, analyses psychiatriques, prescriptions hormonales, opérations chirurgicales : changer de sexe ne se fait pas en un claquement de doigt, encore moins sans douleur et sans concession. Mais en Nouvelle-Calédonie, ça se passe comment ?

 « Amour » avec un grand « Elle ».

Pour en savoir plus, nous sommes partis à la rencontre d’Amour… Pierre-Chanel, de son prénom de naissance, a changé de sexe il y a plus de 20 ans aujourd’hui. Issue de la communauté wallisienne du pays, Amour a toujours eu le soutien de sa famille, et même de ses camarades de classe étant plus petite. « Je demandais à ce que l’on m’appelle Pierrette. Mes copains et copines m’acceptaient comme j’étais, sans jamais me poser de questions. Pareil pour mes professeurs. »

Amour s’en souvient encore. A 5 ans, elle s’amusait à porter les chaussures de sa maman. A 15 ans, elle comprend son attirance pour les garçons. « Mais je n’ai jamais pensé être homosexuel, puisque j’étais déjà une femme. C’est juste que l’on ne m’avait pas donné le corps qui me correspondait ».

 

Être une femme

Du coup, c’est de manière tout à fait naturelle qu’Amour annonça à sa maman qu’elle voulait être une femme. « Ma mère a toujours fait preuve de compréhension vis-à-vis de ça, même si j’étais l’aînée d’une famille de six garçons et une fille. Pour mon père, ce fut sans doute un peu plus difficile, notamment pour sa famille, dont certains membres m’ont forcé, à l’âge de 18 ans, à m’engager au service militaire, après m’avoir rasé le crâne de force ».

C’est ainsi qu’Amour se présente habillée en femme, comme elle le faisait plusieurs années déjà, au bureau des officiers. Là-bas, on lui propose de se faire exempter. « C’était un véritable défi pour moi. Il fallait que je prouve à ma famille que j’en étais capable. Je savais que je pourrai me sentir plus libre de faire ce que je voulais après ça ».

Et elle l’a fait : 10 mois de service militaire dont elle sortira major de sa promotion.

 

Parcours médical

Après avoir laissé le temps à ses cheveux de repousser, elle reprend sa vie en main en participant même à l’élection Miss Trans 84, qu’elle remporta haut la main. « Ce fut un déclic. Je me sentais belle. Je me sentais moi-même, mais une chose me manquait encore, celle d’avoir le corps de la femme que j’étais au plus profond de moi ».

Après une chirurgie esthétique mammaire en France, elle entreprend de se lancer dans un protocole de changement de sexe. Vers l’âge de 30 ans seulement, après avoir rencontré celui qui allait devenir son mari, Amour part s’installer en Métropole. C’est finalement en Belgique qu’elle subit ce que l’on appelle désormais une chirurgie de réattribution sexuelle, après avoir été suivie par un psychiatre pendant un an. « Je m’en souviens encore : lorsque je me suis réveillée de mon anesthésie générale, mon compagnon m’a dit “’ça y’est, tous tes problèmes sont désormais réglés, maintenant que tu es une vraie femme”’. Je lui ai répondu “’de quels problèmes parles-tu ? J’ai toujours été une femme”».

 

Un quotidien au féminin

Au-delà de l’aspect médical et juridique d’un changement de sexe, c’est tout une autre dimension de vie qui s’ouvre alors aux transsexuels. « Je suis passée d’un urologue à un gynécologue, et j’en suis fière. Je suis une femme après tout ?! »

Un sentiment si bien ancré, qu’Amour a même ressenti le besoin d’avoir un bébé « j’ai vécu cette grossesse à travers celle de ma belle-sœur. J’aurais voulu adopter son bébé, mais ce n’était pas possible. J’ai dû me faire à l’idée que je ne serai jamais maman ».

Une frustration qui la pousse à s’occuper des autres, jusqu’à faire le choix de revenir en Nouvelle-Calédonie il y a dix ans, pour s’occuper de sa famille, mais aussi lancer un projet qui lui tenait à cœur, l’élection de Miss Papillon.

 

Dire que l’on existe et que l’on s’assume.

Les préjugés au sujet des transsexuels vont bon train, même si en Nouvelle-Calédonie, on ne s’en formalise plus depuis longtemps.

L’élection Miss Papillon, c’est avant tout pouvoir être reconnu en tant que transsexuel aux yeux de tous. Après la « transformation dans la chrysalide, s’envole alors le beau papillon ». C’est le message qu’Amour souhaiterait faire passer au travers de cet évènement, dont la troisième édition devrait avoir lieu en début d’année prochaine.

 


L’association Lotus Doré.

Depuis juillet 2016, l’association Lotus Doré défend la cause transsexuelle en Nouvelle-Calédonie : elle a pour mission l’aide à la formation, l’insertion sociale des personnes transsexuelles ou transgenres, ainsi que la création de conditions favorables à leur épanouissement, que ce soit dans un cadre culturel ou professionnel, ainsi que la lutte contre la discrimination, l’homophobie ou la transphobie, sans oublier l’orientation des personnes en vue d’une transformation auprès des professionnels de santé.

Effectivement, il est important que les personnes souhaitant bénéficier d’une opération de réattribution sexuelle sachent qu’il existe un véritable protocole en Nouvelle-Calédonie : suivi psychiatrique, prise en charge médicale par la CAFAT, endocrinologue… autant de démarches personnelles qu’administratives pour finalement avoir, au bout de plusieurs années de suivi, le corps, mais surtout le sexe de la personne que l’on souhaite réellement être.

Facebook : LOTUS DORE NC


 

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