Peut-on être son propre psy ?

Le bien-être est à la mode et les pratiques pour y parvenir sont nombreuses, inspirées pour la plupart des spiritualités orientales. Et si elles permettent de s’offrir un moment de calme dans notre quotidien sur vitaminé, elles ne peuvent pas satisfaire un profond désir de mieux se comprendre en tant qu’individu inscrit dans son histoire personnelle. Le courant plus occidental de la psychanalyse peut s’avérer être une alternative intéressante pour porter ce regard sur soi-même. L’auto-analyse, possible ou illusoire ?

J.Bess

Le père de la psychanalyse, Freud, fût son propre psy, et l’on voit mal d’ailleurs comment il pourrait en être autrement ! C’est ainsi qu’une grande part de ses écrits sont le résultat de sessions d’auto-analyse qu’il mena sur sa personne. Son plus fameux disciple Carl Jung nous a aussi laissé le produit de l’exploration qu’il fit de son monde intérieur dans son Liber Novus (le Livre Rouge), absolument magnifique tant par le fond que les dessins baroques qui l’accompagnent.

Deux parrains illustres de l’auto-analyse donc, face auxquels il est difficile de ne pas se sentir tout petit ! En effet, comment penser pouvoir mener cette tâche à bien sans bénéficier du génie et de la rigueur de ces deux géants ? L’exercice est accessible à tout un chacun soucieux de mieux se comprendre, à condition toutefois de s’y livrer avec honnêteté et une volonté affirmée de faire face à ce que l’on apprendra de soi-même. Préparez-vous à plonger dans votre inconscient.

L’auto-analyse, plusieurs approches

Généralement une auto-analyse se mène en deux temps. Il s’agit tout d’abord de produire des éléments par le biais de techniques qui nous mettent en relation avec notre inconscient, puis de procéder à leur analyse pour les remettre en perspective et dénouer les problématiques qu’ils soulèvent. Un bon début est de tenir un cahier des rêves, lesquels sont riches d’informations hautement symboliques sur notre propre personne. On peut considérer le rêve comme un terrain d’entraînement sur lequel l’inconscient va tester des hypothèses en situation réelle, sans les risques et les contraintes physiques que pose le monde réel. C’est donc le lieu idéal pour collecter le matériau qui sera la base de futures analyses. Si vous n’y parvenez pas, la technique jungienne de l’imagination active peut être un bon compromis : il s’agit de laisser venir des scènes que vous visualisez en votre for intérieur, et de vous y plonger en interrogeant les personnages qui s’y trouvent et en écoutant ce qu’ils ont à vous dire. Les souvenirs sont aussi de précieux indicateurs de blocages en attente de résolution, particulièrement ceux datant de plus de dix-huit mois et dont la remémoration s’accompagne encore d’émotions fortes ; c’est alors un signe que la situation reste irrésolue.

Soyez à l’écoute des émotions et des endroits du corps qui réagissent à l’évocation de ces éléments, acceptez de les vivre pleinement et sans jugement. Laissez venir les pensées que cette observation ne manquera pas de provoquer, et qui s’accompagnent généralement d’un sentiment de satisfaction ou de légèreté corporelle.

Et ensuite ?

Le produit de votre auto-analyse ne doit pas rester lettre morte. N’oubliez pas que vous travaillez avec des éléments qui restent habituellement cachés à votre vue, il importe donc de vérifier le bien-fondé de vos explorations en conditions réelles. À cet égard, les relations sociales que vous entretenez avec d’autres personnes sont le terrain de jeu idéal. Fort de vos découvertes, traduisez vos hypothèses dans vos actions de tous les jours et observez ce qu’il se passe. Ce peut être arrêter une habitude que vous saviez mauvaise sans l’avoir vraiment réalisé, comme aborder une situation sociale auparavant stressante avec un tout autre regard et une toute autre assurance. Vous êtes le premier indicateur de la réussite de votre auto-analyse, mais vous n’avez pas à faire chemin seul pour autant ; n’hésitez pas à interroger vos proches et vos amis de confiance et à leur demander un avis sincère.

Concrètement, c’est possible ou pas ?

Si Freud et Jung maîtrisent parfaitement l’auto-analyse, ce n’est pas forcément le cas des mortels que nous sommes. Et surtout, c’est un processus long, difficile et … solitaire. La question à se poser est la suivante : ai-je vraiment envie de me lancer sans aide dans le grand bain de mon inconscient ? Ne serait-il pas plus facile de m’en remettre à un expert en la matière ?

S’auto-analyser est évidemment envisageable. Plus vous serez honnêtes avec vous-mêmes plus vous progresserez dans votre connaissance de soi. Encore faut-il parvenir à l’être.

 


À lire

  • L’Auto-analyse de Freud
  • La découverte de la psychanalyse de Didier Anzieu.

Ce texte présente une précieuse synthèse biographique permettant de comprendre le cheminement personnel et intellectuel de Freud pendant la période la plus féconde de son existence, où il fit sur lui-même, en même temps que sur ses patients, ses grandes découvertes : le sens des rêves, le complexe d’Oedipe, l’angoisse de castration. À partir des nombreux récits que Freud a livrés de ses rêves, Didier Anzieu reconstitue les principales étapes du difficile travail intérieur qui accoucha de la psychanalyse. 


Un président dans le divan (de son salon)

François Mitterrand pratiquait l’auto-analyse. À ce sujet, il disait ; « Si j’ai tenu si longtemps face à la maladie, si j’ai résisté à l’adversité politique, c’est qu’à travers toutes ces confidences (aux personnes de rencontre) je faisais une auto-analyse. »


 

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