Violences faites aux femmes – ACTE 2

Ce n’est pas du flirt. Ce n’est pas de la flatterie. Ce sont des gestes, des paroles qui offensent, qui intimident ou humilient. C’est un acte de violence. Selon un dernier sondage Ifop (mars 2018), une femme sur trois sera confrontée au cours de sa vie au harcèlement moral ou sexuel sur son lieu de travail. La plupart n’en parlent… à personne.

Par Caroline Idoux

Des environnements de travail plus propices que d’autres. Un manque de reconnaissance des femmes. Aucune action de prévention au sein de l’entreprise. Des recours très peu fréquents devant la justice et/ou l’employeur. Dans le monde du travail, les femmes doivent faire face au harcèlement sexuel. Pour Jasmine*, « cela a commencé sans vraiment que j’en prenne conscience. Ce n’était pas mon patron, mais un collègue de travail. Des petites attentions que je prenais pour de l’amitié entre collègues se sont transformées au fil des mois en encouragements plus ou moins explicites. Mon refus a fait passer cet individu dans une catégorie à laquelle je ne le soupçonnais pas d’appartenir, un violeur. Car pour moi, le harcèlement sexuel, ce n’est rien d’autre qu’une forme de viol. »

C’était il y a dix ans. Un soir, l’homme veut passer à l’acte, mais Jasmine se défend. Elle arrive à lui échapper « in extrémis. Je me suis sentie souillée. Le lendemain, je suis allée voir mon médecin, mais je n’ai pris aucune photo des bleus sur mon corps. Je n’ai pas non plus prévenu mon employeur. Tout le monde aurait pu croire que je l’encourageais. J’étais la première à me moquer de ces Américaines qui criaient au harcèlement au moindre bonjour un peu trop appuyé au boulot. Aujourd’hui, je les comprends mieux. » Catherine a fini par quitter son entreprise, comme la plupart des femmes victimes qui se trouvaient dans une situation d’emploi précaire.

Une loi calédonienne

Gestes ou commentaires grossiers, propos obscènes, contacts physiques, chantage sexuel… le harcèlement sexuel au cours de sa carrière peut prendre plusieurs formes. En Nouvelle-Calédonie, le droit à « des relations de travail de qualité, saines et exemptes de toute violence » s’applique aussi. Selon le Code du travail, aucun salarié, homme ou femme, ne doit subir des propos ou comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité. C’est à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir tout agissement de harcèlement sexuel. Si la loi de pays a été adoptée en 2011 pour le secteur privé, il aura fallu attendre deux ans supplémentaires pour que cette dernière s’applique aussi dans le secteur public.

Les sanctions ? Elles vont de un à trois ans de prison et des amendes pouvant atteindre 5,3 millions de francs.

89 % des actifs, actives considèrent que le harcèlement sexuel au travail n’est pas assez reconnu.

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, les choses sont plus compliquées. « J’avais un supérieur hiérarchique dont le comportement envers les femmes était exécrable, raconte Jessica*. Je bossais dans une entreprise plutôt masculine et quand je suis montée au créneau pour prévenir le big boss, je n’ai pas trouvé l’appui et l’écho nécessaires. En gros, je faisais beaucoup de bruit pour “rien”. Mais est-ce vraiment “rien” de se faire embrasser tous les jours de manière un peu trop appuyée ? D’entendre des allusions sexuelles toutes les semaines ? Je ne pense pas. » S’il ne faut retenir qu’une seule chose, c’est que la répétition d’actes n’est pas requise pour établir le harcèlement. Un acte unique, une seule conduite grave, peut constituer du harcèlement. 

Et l’employeur ? Pour ce dernier, le sujet peut devenir extrêmement délicat et il doit faire le tri entre rumeur et réalité. Le sujet reste quoi qu’il en soit suffisamment grave pour être pris au sérieux. Selon un cabinet RH de la place, « le problème, s’il est délicat pour un patron, demande de prendre de la distance. Il doit commencer par évaluer les faits, avant d’en informer si elles existent les ressources humaines de son entreprise. Dans la plupart des cas, c’est l’abus de position dominante qui pousse certains hommes dans une forme de harcèlement sexuel. Sous forme verbale ou visuelle pour 34 %, sous forme de contacts physiques de l’ordre de l’effleurement pour 24 % et de l’ordre de la main aux fesses pour 13 % des femmes. » (Sources sondage IFOP, mars 2018).

Un acte unique, une seule conduite grave, peut constituer du harcèlement.

Outrage sexiste. En France en août dernier, la définition du harcèlement sexuel a été élargie en intégrant la notion de sexisme, renforçant ainsi la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes. Cette notion se définit comme le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste. Et ce qu’elle soit le fait d’une seule personne ou de plusieurs, que ces dernières se soient concertées ou non.

Une nouvelle circonstance aggravante a également été ajoutée à la loi. Ainsi, le harcèlement sexuel commis via l’utilisation d’un « service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique » est également passible d’une amende et de 3 ans d’emprisonnement.

*tous les prénoms ont été changés pour garantir l’anonymat des victimes.

Comment reconnaît-on le harcèlement sexuel ?

  • Des contacts physiques non désirés, tels que des attouchements, des pincements, des empoignades, des frôlements
  • La sollicitation de faveurs sexuelles non désirées
  • Des commentaires inappropriés d’ordre sexuel, des remarques sur le corps de la victime ou sur son apparence, des plaisanteries qui dénigrent l’identité sexuelle ou l’orientation sexuelle de la victime
  • Des questions intimes
  • Des regards concupiscents, notamment dirigés sur les parties sexuelles de la victime
  • Des sifflements
  • L’affichage de photographies pornographiques.

Une campagne en demi-teinte

Le 6 février dernier, le Défenseur des droits, institution indépendante de l’État en France, a lancé en France une campagne contre le harcèlement sexuel au travail. Un dépliant, une affiche et un court-métrage qui n’ont pas eu beaucoup d’effets dans les entreprises. Espérons que la définition élargie dans la loi en août dernier soit plus efficace.


 

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