Quand l’épisiotomie s’invite à l’accouchement

Si vous avez déjà eu un bébé, il y a de fortes chances que vous connaissiez le terme « épisiotomie », cet acte chirurgical consistant à inciser le périnée au moment de l’accouchement afin de laisser passer l’enfant. Aujourd’hui, il est soumis à la critique et fait partie – pour certaines patientes – de ce qu’on appelle les violences obstétricales.
Par G. Perrier

Qu’en est-il vraiment ? Nous sommes parties à la rencontre de femmes ayant vécu une épisiotomie afin qu’elles partagent leur expérience.
La première chose qui transparaît quand on écrit un article sur l’épisiotomie, c’est que les témoignages ne manquent pas. À notre demande, des dizaines de doigts se sont levés pour dire : « moi, j’en ai vécu une et je veux bien en parler ». La seconde chose, c’est que toutes les expériences sont différentes. Pour le Dr Salama, gynécologue-obstétricien, ce n’est pas étonnant : « chacune guérit à sa manière, certaines patientes par exemple peuvent faire une réaction à la suture et mal vivre la guérison ».
L’épisiotomie finalement, ça consiste en quoi ? Et quelles sont les recommandations du collège national des gynécologues français à ce sujet ? « En France et en Nouvelle-Calédonie donc, argumente le Dr Salama, l’épisiotomie est faite en médio-latérale droite, on coupe en oblique trois tissus : le vagin, le muscle et la peau. Cela permet d’éviter la déchirure vers le sphincter anal. La déchirure suivra le trajet de l’incision qu’on aura donnée avant. »

« Faites
confiance à
la personne
qui vous accouche. »

> Aborder le sujet en amont
Pour Solène, c’est exactement ce qui s’est passé : « ma fille était en siège décomplété, c’est-à-dire qu’elle avait les jambes quasiment allongées dans mon ventre. Ma sage-femme m’avait alors prévenu qu’une épisiotomie serait probable, je n’étais donc pas vraiment inquiète au moment de l’accouchement. »
Pour d’autres patientes, l’acte chirurgical était presque tabou tant il était redouté. Johanna s’en souvient comme si c’était hier : « j’étais tétanisée rien qu’à l’idée d’y penser. Heureusement, ma sage-femme m’a tout de suite rassurée et m’a préparée pendant les cours d’accouchement. Hélas pour moi, la personne qui a délivré mon enfant n’a pas su, elle, se mettre à mon niveau de peur et a réalisé l’épisiotomie de façon hâtive et sans aucune marque de gentillesse à mon égard. Avec mon homme, on a senti qu’elle en avait marre de mon accouchement – et qu’elle voulait y mettre un terme. »

> L’épisiotomie, un acte chirurgical systématique ?
Aujourd’hui, il est recommandé d’informer la patiente avant de réaliser une épisiotomie, mais le Dr Salama rapporte qu’il est parfois « difficile d’obtenir le consentement car l’épisiotomie se décide au dernier moment lorsque le périnée est distendu et s’apprête à se déchirer, c’est à ce moment que la patiente pousse à son maximum pour faire sortir son bébé. Avant, on recommandait une épisiotomie à TOUS les accouchements de primipare (premier bébé), pour tous les accouchements du siège ou de jumeaux ou pour toutes extractions instrumentales, désormais, la pratique est plus libérale et c’est à l’appréciation du médecin ou de la sage-femme. Par exemple, on va éviter de risquer une déchirure pour les femmes ayant une peau fragile ou une paroi courte entre l’anus et le vagin. »
Pour Malia, en revanche, l’épisiotomie a été très mal vécue car elle n’en avait jamais vraiment entendu parler. Peut être parce qu’elle était la première de ses amies à passer le cap de la maternité. « Je pense que l’on n’est vraiment pas informée et préparée à ça, se souvient-elle… On me l’a annoncé au moment fatidique, on m’a dit que la petite était costaud et qu’il était obligé de me faire une épisiotomie. Mine de rien ça fait bien mal, surtout quand la péridurale n’est pas très forte… Mais j’ai vraiment eu des problèmes lors de la guérison. J’ai cicatrisé rapidement mais j’ai eu énormément de douleurs plusieurs mois après, pendant l’acte sexuel plus particulièrement. Lors de mon deuxième accouchement, ils ont découvert que la première fois, ils avaient certainement un peu trop refermé donc, en gros, c’était pour me « réparer ». Et c’est vrai : plus de douleur… Mais j’ai mis du temps pour être réparée psychologiquement… » Face à l’expérience de Malia, il est logique de se demander si elle n’a pas subi – bien malgré elle-ce qu’on appelle le « point du mari ». Une pratique qui vise à resserrer l’entrée du vagin afin que le partenaire expérimente plus de plaisir lors des rapports. Pour le Dr Salama, c’est bien sûr « scandaleux. Le point du mari est une pratique à bannir tout bonnement des salles d’accouchement. »

> Et la guérison ?
En termes de guérison, toutes les femmes ne sont pas égales. Pour Johanna et Solène, à part la douleur la semaine suivant l’accouchement, rien à signaler. « J’avais mal partout, jusqu’à l’anus, se remémore Johanna. J’ai même demandé à la sage-femme jusqu’où j’avais été recousue, j’étais terrorisée d’aller juste aux toilettes. Elle a su me rassurer et m’expliquer que la douleur venait aussi de la violence de l’accouchement. Après, ma guérison s’est faite sans heurt et sans problème pour mon intimité et ma sexualité. »
Pour Marie, ce fut plus compliqué. Après son premier accouchement et une déchirure très difficile à soigner, « ma sage-femme a abordé le sujet. Avec mon conjoint, on a essayé de ne pas le faire tant que c’était possible mais on n’a pas pris de risque. C’était une décision concertée. » Mais problème, un point a été oublié par la sage-femme libérale après l’accouchement : « une boule s’est formée et m’a provoqué beaucoup de douleurs ».
Selon le Dr Salama, la douleur aiguë doit disparaître « dans la semaine qui suit l’accouchement (et les fils doivent partir dans les 15 jours). Si la douleur s’aggrave de jour en jour, ca n’est pas normal et il faut consulter. Ensuite, une gêne ou une petite douleur pendant les rapports peut persister durant quelques semaines. Après quelques mois, il faut consulter et demander avis. »
Il poursuit en rappelant qu’aucun praticien ne performe une épisiotomie pour le plaisir. Le but est avant tout d’aider la future maman. « Faites confiance à la personne qui vous accouche. Et si une petite déchirure est mieux qu’une épisiotomie, cette dernière est préférable à une déchirure complexe et anarchique »,
comme a pu le vivre Marie par exemple.

Tous les prénoms ont été changés.


Comment gérer les douleurs suite à une épisiotomie ?
Vous avez eu une épisiotomie ?
Vous en aurez peut-être une
lors de votre accouchement ?
Voici quelques conseils pour la gérer :
Après l’accouchement, lorsque vous irez aux toilettes, il est important de garder le périnée bien propre et bien sec. Donc nettoyez votre intimité dès que vous urinez ou que vous allez à la selle avec un savon doux de préférence, sans alcool, sans parfum et sans colorant. Il est aussi recommandé de ne pas utiliser de compresse ou coton, d’y aller avec la main. L’idée n’est pas de tout nettoyer. Juste la surface cutanée au niveau de l’épisiotomie. On rince ensuite à l’eau claire et surtout, on sèche en tamponnant avec une serviette. N’utilisez pas de sèche-cheveux ! Il risque d’affaiblir les points.
Il faut également bien choisir ses sous-vêtements : pas de synthétique, juste du coton. Pensez aussi à changer régulièrement votre protection. La zone doit rester bien propre et bien sèche.
Vous pouvez également acheter une bouée pour vous asseoir plus facilement et sans douleur, et une fois la cicatrisation bien engagée, vous pouvez appliquer une crème ou une huile pour masser votre périnée. Demandez conseil à votre pharmacien(ne).
Mais le plus important : ne passez pas sur la rééducation du périnée auprès de votre sage-femme. C’est le moment pour réapprendre à contracter vos muscles distendus et parler de votre intimité (douleur ou appréhension).


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