soyez vous-même !

« Osez être vous-même. » « Boostez votre
self-estime.»
« Être soi-même en 10 étapes. »
L’amour de soi, l’estime de soi semble être la nouvelle injonction à la mode, promesse de bonheur et de liberté. Si l’on en croit le vaste marché du développement personnel, parfois sérieux, souvent racoleur, il suffirait d’appliquer la bonne recette, de suivre les étapes du programme, en 4, 10 ou 12 leçons au choix, pour être soi-même. Avec, au final, une bonne dose de culpabilisation si le résultat, le vrai moi, unique source
de bonheur, n’est pas
au rendez-vous.
Par V. Mézille

 

« Soyez-vous-même… Tous les autres sont déjà pris ! » Elle est bien belle cette citation d’Oscar Wilde et franchement, moi, on me propose, là maintenant, le corps de Cindy Crawford, le cerveau de Donna Strickland, prix Nobel de physique en 2018, je ne refuse pas ! Et je serais vachement mieux moi-même. Pas vous ? Et pourtant. Peut-on faire autrement ? Peut-on vivre bien, sans même parler de bonheur, en étant quelqu’un d’autre ? En portant un masque, en jouant un rôle, en acceptant une vie qui ne nous correspond pas ? Car être soi, ce n’est pas simplement la clé du bonheur, c’est aussi celle de la liberté. Être libre, ce n’est pas faire ce qu’on désire, ni vouloir ce qu’on fait, ni même se rendre où l’on veut. Être libre, c’est devenir ce qu’on est et aimer ce qu’on devient.

Comment être, sans être ce qu’on est ?

L’expression « être soi-même » peut d’abord sembler n’être qu’une tautologie : comment être, sans être ce qu’on est ? Bien avant d’être investie par le champ du développement personnel, cette question a été débattue par les philosophes pour qui « être soi-même », c’est être en conformité avec son être véritable. L’important est d’être authentique, cette authenticité se distinguant, toujours pour les philosophes, de la simple sincérité qui s’accommode fort bien des illusions sur soi. Plus exigeante, elle désigne « une sincérité ou une véracité à l’égard de soi ». Être authentique, être ce qu’on est, nécessite de se connaître soi-même, de savoir qui l’on est, authentiquement. Pas si simple. Employée, maman, enfant, épouse, copine, chef…
Quand suis-je moi ? Et à quel moment je ne suis plus moi ? Puis-je être toujours authentique ? Ne suis-je pas obligée de parfois jouer un rôle ? Parce qu’il y a moi. Et parce qu’il y a les autres.

Deviens ce que tu es

Se faire confiance, croire en soi, améliorer son estime de soi… Tout cela passe par l’identification de qui nous sommes… puis par oser être qui nous sommes. « Deviens ce que tu es. » Longtemps, ce précepte de Nietzsche a été mon mantra de développement personnel. Comment peut-on devenir ce que l’on est déjà ? Ne serions-nous qu’un brouillon de nous-même ? Un être en devenir ? Ce que nous sommes aujourd’hui est le fruit d’une histoire complexe tout au long de laquelle s’est formée, ou déformée, une image de nous-même qui risque toujours de se figer.
Influencé dès notre enfance par ce que les autres pensent et disent de nous, le regard que nous portons sur nous-même est troublé. Une partie de nous-même nous est cachée car elle ne nous a pas encore été révélée : celle de nos talents, de notre potentiel. Devenir ce que je suis, c’est devenir tout ce que je peux être. C’est me libérer d’une idée de moi-même, non pas pour devenir ce que je ne suis pas mais par l’envie de me dépasser pour aller au bout de mes envies.

Bas les masques

La grande question est alors : comment faire ? Qui je suis vraiment ? Qu’est-ce que je veux ? Qu’est-ce qui fait mon bonheur ? Enfin rentrer dans ce jean taille 40 ? M’épanouir au travail ? Avoir plus de temps pour mes enfants ? Pratiquer un sport ? Tout cela à la fois ?

Mieux se connaître, c’est connaître ses goûts et ses envies, c’est reconnaître ce qui nous rend triste et heureux, c’est se surprendre en réalisant des choses que l’on ne se sentait pas capable de faire, c’est penser à soi et garder à cœur ce qui nous est important, c’est se réjouir de ses succès et apprendre de ses échecs, c’est prendre le risque de faire différemment de ses habitudes, de penser au-delà de ses croyances. Nul ne peut savoir qui il sera demain car la personne se découvre au fur et à mesure de la vie dans ce qu’elle entreprend, aime, découvre, ressent, crée et réalise.

Magnifique programme. Mais face au regard des autres, face à cette image dans laquelle on s’est parfois, souvent, enfermé soi-même, face aux injonctions des réseaux sociaux et des magazines, comment emprunter ce chemin ? Dans la course au « toujours plus », logique que nous nous épuisions à nous sentir « jamais assez » belle, dynamique, zen, aimante, productive. L’illusion serait de croire que tomber le masque est simple. Idée que le vaste et lucratif marché du développement personnel tente de nous vendre. Livres, applications mobiles, cours de méditation, séances de coaching, séminaires… il suffirait d’écouter les « experts » pour enfin être soi-même ? Avec un produit fourni clé en main : le bonheur !

La tyrannie du bonheur

Imaginons celle qui se lève tous les matins à 5 h 30 pour profiter de son « miracle morning » et siroter un latte au curcuma bio. Elle médite au son de bols tibétains en psalmodiant sa liste de gratitude de la journée. Dans ses placards à moitié vides ne s’alignent, parfaitement pliés et suspendus, que des vêtements « qui la font sourire ». Et elle organise des dîners « hygge » en chaussettes et en pyjama, où l’on se chuchote des souvenirs de vacances à la lueur de bougies en cire de soja. Pourtant, elle se demande pourquoi elle éclate encore en sanglots quand sa voiture tombe en panne. Et s’inquiète du budget psy à prévoir après avoir hurlé sur son enfant pour une cuillerée de quinoa renversée ! Avec tout ce travail sur elle-même, qu’est-ce qu’elle attend pour être « heureuse » ? Sereine en toutes circonstances, car capable de contrôler ses émotions ? Selon la sociologue Eva Illouz et le psychologue José Cabanas, auteurs du livre Happycratie, comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, « l’impératif d’épanouissement et d’amélioration a un effet paradoxal : il se révèle bien vite écrasant puisqu’il s’agit de s’évaluer en permanence, d’interpréter constamment ses actes, ses pensées et ses sentiments par rapport à un objectif qui s’éloigne toujours ». L’happycratie désigne l’injonction sociale et morale de rechercher à tout prix le bonheur personnel et la réalisation de soi dans toutes les sphères de notre vie, et ce par la consommation de « marchandises psychologiques » (des livres, thérapies, applis, coaching, etc.). Le bonheur ne serait qu’une question de choix personnel et donc la souffrance tout autant. En clair, si une personne souffre, c’est parce qu’elle n’a pas fait les bons choix pour arrêter de souffrir ou n’a pas été assez tenace pour surmonter les circonstances négatives. Ce discours extrêmement culpabilisant crée une pression sociale nous obligeant à toujours paraître amical, souriant, joyeux, etc. Aujourd’hui, affirmer être malheureux est très difficile car cela signifie que l’on n’a pas fait les bons choix, que l’on ne sait pas apprécier sa vie à sa juste valeur ou encore qu’on ne profite pas de ce que l’on a. Par ailleurs, mettre le bonheur au centre de sa vie renforce le narcissisme. Le fait de surinvestir les moments positifs rend l’impact psychologique des moments difficiles beaucoup plus important. Pour les auteurs, « on ne peut pas y échapper parce que nous sommes des êtres sociaux, mais on peut être conscient des effets pervers de ce discours. On peut ne pas croire à l’efficacité des solutions rapides et simplistes que l’industrie du bonheur nous vend. »

Foutez-vous la paix

L’Art subtil de s’en f**tre. Un guide à contre-courant pour être soi-même, du blogueur Mark Manson. La Magie du j’en ai rien à f**tre, de Sarah Knight. Il semble bien que la résistance à la tyrannie du bonheur s’organise avec un seul mot d’ordre : foutez-vous la paix ! « Beaucoup de personnes se sont tournées vers le développement personnel pour être heureuses, persuadées que quelque chose n’allait pas en elles, analyse Mark Manson. Mais le hic est que toute méthode qui vous explique comment améliorer votre vie vous laisse aussi à penser que vous êtes fondamentalement défectueux. » C’est justement cette quête éperdue visant à « s’améliorer », dans une société de l’image, de la performance, de la perfection relayée par le miroir déformant des réseaux sociaux, qui entraîne angoisse, voire dépression. Un véritable non-sens. Est-ce à dire qu’il ne faut rien faire ? Rester bloqué dans une vie qui ne nous convient pas ? Dans leur livre, F*ck les émotions !, Michael et Sarah Bennett conseillent d’accepter notre côté incontrôlable et de passer à l’action en se concentrant plutôt sur nos valeurs et buts ultimes : éviter les conflits inutiles avec nos proches, poursuivre une carrière satisfaisante, cultiver des amitiés solides… « C’est en supportant de son mieux les inévitables aléas de la vie que se cultive l’estime de soi », indiquent-ils. Autrement dit : « Nos défauts réels ou imaginaires ne nous empoisonnent pas autant que nos attentes, rendues déraisonnables par une société qui se rêve anesthésiée de toute douleur ou désagrément ».
Le succès des guides d’anti-développement semble témoigner d’un retour au bon sens. Mais en préconisant le lâcher-prise, y compris par rapport au développement personnel, ce néo-courant bienveillant et relativiste ne risque-t-il pas de jeter le bébé avec l’eau du bain ? Au contraire, affirme Nicolas Marquis, sociologue, auteur de l’ouvrage Du bien-être au marché du malaise : « L’ADN reste le même. Il s’agit toujours de proposer un travail sur soi, mais en mode plus déculpabilisant. » Essentiel pour ne pas frôler le burn-out existentiel !

◀️Soyez-vous-même…

Tous les autres sont déjà pris !
Oscar Wilde▶️

 

« Soyez vous-même » ou comment
le développement personnel est
devenu un des business les plus
rentables de la décennie

 

Le marché du développement personnel est estimé à 10 milliards de dollars, chaque année, rien qu’aux États-Unis, selon les instituts de recherche américains qui se sont penchés sur la question. Séminaires en ligne, ateliers, livres, le coaching et autres produits des formateurs et des conférenciers spécialisés en motivation… les bénéfices sont au rendez-vous.
La littérature sur le développement personnel ne date pas d’hier.
« Tout ce qu’une personne accomplit est le résultat direct de ses propres pensées. Les gens n’attirent pas ce qu’ils veulent, ils attirent ce qu’ils sont. » Cela vous rappelle quelque chose ? Ces écrits datent de 1902 et sont l’œuvre de l’écrivain et philosophe James Allen dans L’homme est ce qu’il pense. Dans son travail, il a décrit l’impact des pensées sur la personnalité, les circonstances de la vie, la santé physique et la réalisation des objectifs. Du développement personnel avant l’heure ! C’est dans des moments de troubles et de crises que les livres sur le développement personnel connaissent une popularité croissante. Rien qu’aux États-Unis, on trouve quelque 5 000 conférenciers motivateurs en activité. Les gens dépensent environ 800 millions de dollars par an pour des livres audio et le même montant pour des éditions imprimées, et près d’un milliard de dollars US pour des coachs personnels. La plus forte demande a été enregistrée dans le domaine des programmes de perte de poids : cette niche génère 4,7 milliards de dollars par an. Et l’essor du Web facilite encore le travail des professionnels du bonheur. Le nombre de blogs sur le sujet est en pleine explosion. Une nouvelle tendance est même apparue : les conseils de célébrités. De L’année du Oui de Shonda Rhimes, la créatrice de Grey’s Anatomy et de Scandal à La vie tout simplement de l’actrice Jessica Alba, en passant par Comment devenir la mégaboss de ta super vie
de la youtubeuse canadienne aux 12 millions d’abonnés, Lilly Singh, le business est juteux.

La recette du bonheur… au bénéfice des professionnels du développement personnel.
La recette est simple. Premier ingrédient : marketing et publicité. Acheter quelque chose est souvent une décision émotionnelle qui est influencée non seulement par la qualité du produit lui-même, mais aussi par sa présentation. Deuxième ingrédient : une solution rapide au problème. Les scientifiques estiment que nous gérons nos émotions à travers les achats. Lorsqu’on est triste,
on peut se remonter le moral en achetant quelque chose, par exemple le livre Comment s’enrichir en 6 étapes simples. Troisième ingrédient : l’identité du coach/auteur de livres. Le désormais célèbre Tony Robbins, auteur de Pouvoir illimité et Les onze lois
de la réussite, a travaillé avec John Grinder, le créateur de la PNL, puis s’est consacré à l’enseignement de cette technique, ainsi qu’à l’hypnose ericksonienne. Quatrième ingrédient : un schéma simplifié de la réalité. À l’ère de l’explosion des technologies de l’information, la quantité de données disponibles augmente sans cesse. Dans tout ce chaos, le cerveau cherche la clarté et la cohérence. C’est en partie pour cette raison que dans les livres sur la motivation et le développement personnel, la réalité est simplifiée : les personnes et les organisations sont segmentées et le chemin du succès est divisé en étapes souvent grossières.

 

La confiance en soi, l’estime de soi et l’amour de soi

Loin de toute culpabilité et injonction à être heureux, il semble néanmoins nécessaire d’emprunter
le chemin de la connaissance de soi pour enfin être, ou devenir soi-même, au risque de passer à côté d’une belle partie de son existence.
Si le chemin peut être personnel et différent selon chacun, trois notions, trois piliers fondent notre identité, notre personnalité
et notre aptitude à être nous-même.

La confiance en soi.
La confiance en soi est l’assurance, le courage qui vient de la conscience qu’on a de sa propre valeur. Nous ne parlons pas ici de l’assurance qui vient après avoir expérimenté quelque chose et l’avoir bien appris. La personne avec une vraie confiance en elle n’oublie pas sa valeur même lorsqu’elle tente une expérience pour la première fois. Elle est tellement en contact avec sa valeur intérieure que, même si elle rate son coup lors d’une première expérience, elle est capable d’être bien dans sa peau et d’accepter de n’avoir pas réussi. La confiance en soi est ce qui permet d’entreprendre, de décider,
de changer, d’oser et de s’affirmer.

L’estime de soi.
L’estime de soi est associée à l’image que l’on a de soi-même, elle-même basée sur ce que nous croyons de nous. On peut vérifier cette image en faisant une liste de toutes les qualités et les défauts que nous voyons en nous. Une personne avec une pauvre image d’elle-même est celle qui a de la difficulté à se trouver des qualités. Elle se déprécie facilement. La grande différence entre l’estime de soi et la confiance en soi se situe au niveau de la conscience : l’estime de soi est consciente, tandis que la confiance en soi est inconsciente. On peut donc dire que la confiance en soi nous aide particulièrement à passer à l’action, à oser risquer. Elle se situe plus dans le faire. Tandis que l’estime de soi se situe davantage au niveau du senti. Il est vrai que l’une influence directement l’autre. Le fait d’améliorer notre image a pour effet d’améliorer notre estime et, par conséquent, va aider à développer davantage de confiance en soi.

L’amour de soi.
C’est le sentiment positif que vous ressentez pour vous. Il correspond et permet de satisfaire le besoin d’aimer et d’être aimé. C’est la capacité de se donner le droit de s’accepter, dans tous nos états d’être, qu’ils soient positifs ou négatifs. C’est être capable de se regarder, s’observer dans ce que nous sommes à chaque instant, sans aucun jugement de bien ou de mal. C’est s’accepter dans nos limites, nos peurs, nos faiblesses, nos croyances, notre différence, nos goûts, etc. Si vous ne vous aimez pas, vous ne pouvez pas aimer quelqu’un d’autre et vous ne pouvez pas vous sentir aimé par vos proches, a fortiori par un inconnu. La plupart des gens s’aiment quand ils agissent en fonction de ce qu’ils ont appris : être gentil, sympathique, poli, aimable. Ce genre d’amour est basé sur la peur de ne pas être aimé. L’amour véritable, inconditionnel, est celui qui ne juge pas.

Trois clés pour être soi

Si vous avez, même après avoir lu tout ce qui précède, décidé de ne pas vous foutre la paix, on vous livre 3 clés, toutes simples mais pas si simples.

Qui suis-je ?
Pas facile de répondre à cette question ! Suis-je la salariée de mon entreprise, la mère de mes enfants, la fan de sport… ou bien tout cela à la fois ? « Qui suis-je ? » est une question existentielle à laquelle il n’est pas facile de répondre spontanément et précisément, car nous sommes des êtres complexes et énigmatiques pour nous-mêmes. Chacun détient en lui-même un héritage éducatif, familial, historique, culturel, social qui peut nous prédestiner et dont il peut être difficile de se différencier. Sans rester cloisonné ou conditionné par votre héritage, sachez faire le tri de ce que vous voulez pour votre propre vie et de ce que vous ne voulez pas transmettre.

Faites le point sur vos qualités et vos défauts.
Pour se connaître vraiment, il faut accepter de se regarder dans la glace et prendre tout ce qui nous constitue : les qualités et les défauts, le positif et ce qui l’est moins. Si l’on se voile la face sur certains défauts – qu’ils soient physiques ou qu’ils fassent partie de notre caractère -, on se ment à soi-même et l’on ne peut avancer car on ne sera jamais pleinement soi-même. Écoutez-vous, ouvrez-vous à vos réactions et à vos sentiments face aux situations que vous vivez, acceptez vos erreurs passées et présentes et acceptez de changer : on n’est pas le même à 8 ans, 15 ans, 35 ans ou 60 ans !

Ne vous comparez pas aux autres.
La première chose à faire est de reconnaître quand on se compare aux autres, ce qui n’est pas si évident, croyez-moi. Focalisez-vous sur ce que vous êtes plutôt que sur ce que vous pensez manquer être. Prenez les choses dans une perspective plus large. Nous avons tous notre propre chemin, notre propre histoire. Autre conseil : limitez votre temps dans les médias sociaux. Les gens y montrent leur vie sous son meilleur jour et il est facile de se comparer en ayant l’impression de ne pas être à la hauteur. Le regard des autres aura de moins en moins d’impact sur vous-même au gré de cette quête intérieure. Vous aurez pris davantage confiance en vous et fait grandir votre estime de vous.

 

 

 

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