Dr Brigitte Lèque  » La légalisation de l’IVG est passée en douceur mais tardivement »

Pendant près de 25 ans, le docteur Brigitte Lèques
a été responsable en province Sud du CCF, le Centre de conseil familial basé à Montravel. Pour nous, elle revient sur 30 ans de lobbying pour faire reconnaître en Nouvelle-Calédonie le droit à l’avortement pour toutes. Un droit que les Calédoniennes ont légalement acquis il y a seulement 20 ans.

Le 29 septembre 2000, le congrès de la Nouvelle-Calédonie rend enfin légal l’avortement sur tout le Territoire. Qu’est-ce qui a pris autant de temps, alors que la Loi Veil existait déjà depuis 1975 ?
Je crois qu’il faut remettre les choses dans le contexte de l’époque. En Nouvelle-Calédonie, le militantisme féminin n’a jamais et n’est toujours pas un militantisme qui s’affiche. Nous choisissons les chemins coutumiers et la voie diplomatique. Et c’est un peu ce qui s’est passé. Le CCF a été créé en 1992 et pensé par la mission aux droits des femmes de la province Sud comme une entité à la fois agissant en tant que planning familial et centre d’informations pour le droit des femmes. Notre mission était centrée sur la contraception et la prévention, mais pas sur l’avortement. C’était encore un sujet « embarrassant », même si nous le savions, l’attente était importante. On savait que les politiques n’étaient pas prêts et plutôt que d’agir frontalement, nous avons choisi la voie diplomatique.

C’était peut-être plus long, mais tout s’est fait en douceur ?
Je dirai qu’il y a eu beaucoup de débats. C’est Jacques Lafleur qui a compris le premier l’importance de notre démarche et les avortements en province Sud ont pu être d’abord encadrés par une convention entre le CHT (Magenta) et la province Sud en 1995. C’est nous, au CCF, qui centralisions les demandes et les actes. Cette convention reprenait les conditions de la Loi Veil, il n’était pas question de faire les choses au petit bonheur la chance, bien au contraire ! Nous avons accueilli toutes les femmes, d’où qu’elles viennent en Nouvelle-Calédonie.
En parallèle, nous avons continué notre travail de sensibilisation auprès des décideurs. Un travail qui a abouti le 29 septembre 2000 à la légalisation de l’avortement en Nouvelle-Calédonie. À partir du 1er janvier 2001, nous sommes entrés dans un cadre plus légal et, en juillet de la même année en France, la Loi Veil a fait l’objet d’amendements importants avec un délai poussé à 14 semaines d’aménorrhée (absence de règles) et la fin de l’obligation de l’autorisation parentale pour les mineures. Ces modifications ont été d’emblée applicables en Nouvelle-Calédonie, contrairement à la suppression de l’obligation d’entretien social pré-IVG pour les femmes majeures qui n’est intervenue en Nouvelle-Calédonie qu’en 2010.

En France, le débat est aujourd’hui de faire passer ce délai à 16 semaines d’aménorrhée. Qu’en pensez-vous ?
Je n’ai pas d’avis tranché sur la question. Que ce soit la prise de décision pour la femme ou la réalisation de l’acte à un âge plus avancé de la grossesse pour le médecin, ça n’est jamais facile, vous savez. Je crois surtout que ce qui pousse au rallongement de ce délai, c’est surtout le temps d’attente en France pour pouvoir bénéficier de l’intervention. Ici, les choses sont claires depuis le début au CCF, il n’y a JAMAIS « plus de places ». Une fois le délai établi et s’il est dans la légalité, nous avons toujours tout fait pour rassurer, dans l’empathie, sans discriminer. Je crois que c’est le plus important. Pas vous ?

Justement, qu’est-ce qui vous a poussée, en tant que médecin, à vous préoccuper et prendre ces questions de contraception et d’IVG à bras le corps pour les Calédoniennes ?
C’est un concours de circonstances avant tout. Je souhaitais devenir gynécologue, mais la vie ne l’a pas permis. Quand je suis rentrée en Nouvelle-Calédonie en 1992, ma route professionnelle a croisé celle du CCF et je suis heureuse aujourd’hui de ce que nous avons accompli et de la continuité du travail. Le CCF et les dispensaires partout en Nouvelle-Calédonie avec l’aide d’un réseau de sages-femmes formidables sont au fait de ces questions. Cependant, notre action doit porter aussi et toujours sur la contraception et nous devons renforcer notre communication et la prévention dans ce domaine. Avec l’aide notamment d’associations comme le CP2S dont je fais partie.

CCF – Centre de conseil familial
Téléphone : 205 330
Horaires d’ouverture :
7 h 30 - 12 h / 13 h - 16 h
CP2S – Comité de promotion de la santé sexuelle
https://www.sexo.nc
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