Claudine jacques « Je veux pouvoir tout dire, sans tabou »

Avec Caledonia Blues, Claudine Jacques signe un recueil de nouvelles poignantes sur les tabous,
les inégalités et les zones d’ombre de la Nouvelle-Calédonie et plus particulièrement de la condition féminine. Rencontre avec une auteure engagée, loin des sentiers battus, membre fondateur de l’Association des écrivains de Nouvelle-Calédonie.

Avant tout, est-ce que vous pourriez nous décrire votre parcours d’écrivaine ?
J’ai toujours écrit, mon premier recueil de nouvelles a été publié en 1995, il y a 25 ans, il s’agissait de Nos Silences sont si fragiles. J’ai écrit une trentaine d’ouvrages depuis, nouvelles, romans, théâtre et littérature jeunesse, régulièrement édités. Si je suis satisfaite de mon parcours, je pense toujours au prochain livre, celui que j’ai en cours mais aussi celui que je rêve d’écrire après.

Où puisez-vous l’inspiration ? C’est une soif d’écrire ?
Déjà, il faut que je sois chez moi ! J’ai besoin d’un lieu, de temps et d’espace pour marcher. La marche solitaire m’aide toujours à réfléchir. Tout est inspiration, c’est le sens qui m’interroge le plus. Écrire chaque jour provoque en moi l’envie d’écrire davantage. Être écrivain, ce n’est pas seulement raconter, c’est vouloir aussi se dépasser, se surprendre à être meilleur, se confronter.

Pourquoi Caledonia Blues ? Vous vouliez écrire sur les « non-dits » de ce pays ?
J’avais un projet autour des femmes, d’ailleurs le titre premier était Le Peuple des femmes, je voulais parler des violences faites aux femmes mais aussi aborder le chapitre des inégalités. Et puis le projet a évolué, il est devenu autre, plus général. Je veux pouvoir tout dire, sans tabou, sans zone d’ombre sur ce qui nous touche au plus profond. Mon éditeur m’a demandé de trouver un titre qui convienne au recueil. J’ai pensé à « Caledonia », pour situer l’endroit, et je l’ai associé à « Blues » pour signifier notre chagrin d’aujourd’hui et d’hier. Une fois ce titre validé, j’ai écrit Ferme les yeux.

Cette nouvelle parle d’un sujet fort et sensible en Nouvelle-Calédonie, qu’est-ce qui vous a poussée à écrire ce récit et quel(s) sont aujourd’hui les retours ?
Ferme les yeux est l’histoire d’une femme battue ; l’action se situe de nos jours. Alors que son fils doit sortir de prison, cette femme tranquille se remémore sa vie dans les années 70.
Je participe en tant que femme écrivain à la défense des droits des femmes, j’agis en racontant non seulement les faits, mais aussi les états d’âme, les destructions que cela engendre.
Les retours sont extrêmement positifs. Ce livre a beaucoup touché, par sa justesse, je pense. J’essaie d’être dans la plus grande authenticité. Des jeunes filles m’ont remercié d’avoir eu le courage de dire le vrai. Elles se sont senties comprises et accompagnées.

Votre héroïne semble avoir « effacé sa vie », c’est en tout cas ce que l’on ressent dès les premières lignes avant cette rencontre avec Ydriss.
Je suis heureuse que vous l’ayez ressenti ainsi, c’était mon challenge. Montrer combien la vexation, l’insulte, la dévalorisation peuvent détruire ; la honte et l’humiliation d’avoir été frappée contraignent cette femme à disparaître socialement. Son destin est tragique de bout en bout.

Quels sont vos projets d’écriture en cours ?
J’écris une suite à Caledonia Blues, des nouvelles bien ancrées dans le pays. J’y aborde nos préoccupations actuelles et je travaille sur un roman dont l’action se situe dans le grand Pacifique et où il est question de la montée des eaux et du réchauffement climatique. Je travaille également, pour me reposer l’esprit, sur un projet de poèmes pour enfants. Ce sera un ouvrage en duo avec une amie.

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