La beauté du futur

Être belle au 21e siècle, ça veut dire quoi ? Au cœur des dernières décennies, l’image de la femme et de la beauté a largement fluctué, souvent dépendante des podiums, toujours accros aux régimes et au corps idéal. Pourtant, depuis 10 ans, les codes changent. Si le naturel revient au galop (« size acceptance », poils sous les bras …), n’en reste pas moins que le corps de la femme semble toujours s’afficher comme un manifeste public au service d’une cause. Côté cosmétiques, les marques sont aussi en train de prendre un virage à 180° : celui de la nature au service de la beauté en pariant sur la biocosmétique et les nouvelles technologies. Alors, comment définir la beauté en 2021 ? Soyez prêtes. Le futur est déjà là.


Après la ménagère d’après-guerre et la femme-objet des années 60, quelle place aujourd’hui pour la beauté féminine ? Depuis quelques années, on peut dire que les femmes tentent de se débarrasser des codes. Dans les années 80, la norme-beauté était le fameux 90-60-90 pour le tour de poitrine, de taille et de hanches. En dessous ou au-dessus d’une taille 38, vous n’étiez… RIEN !

Que les femmes cherchent à s’embellir n’est pas vraiment nouveau. Cette quête de la beauté permet surtout de révéler les valeurs d’une société. Pourtant, depuis le début du 21e siècle, les standards de beauté n’ont jamais été aussi bousculés. L’ère reste à la compétitivité et aux diktats de l’apparence, malgré certains appels depuis quelques mois à « être soi » et résilient sur son apparence (confinement oblige !). En fonction de quels critères aujourd’hui quelqu’un est-il beau ? Les standards ont-ils évolué ?


La fin de la tyrannie ?

« Je me souviens qu’à 18 ans, j’avais 10 kilos de trop au niveau des hanches. Nous étions dans les années 80 et je n’entrais pas dans le fameux jean Levi’s que tout le monde s’arrachait en taille 38, explique Nathalie. J’ai tout de suite été cataloguée dans la catégorie grosse ! Quand je vois aujourd’hui Kim Kardashian… Je me dis que j’ai vraiment été idiote de le croire à l’époque. Mais c’était une véritable tyrannie. »

A priori, le sujet a l’air totalement anodin. Sans gravité. Après tout, pourquoi enquêter sur les derniers canons de la beauté et l’industrie des cosmétiques quand on traverse une crise sanitaire ? Mais la beauté, l’esthétique des femmes, est toujours un enjeu crucial. Pour l’univers de la mode. De la cosmétique. Et le nouveau marché : celui de l’estime de soi. « Et puis il n’y a pas de mal à se faire du bien, estime Léa, 40 ans tout juste. Je reste persuadée que même si des critères perdurent, nous marquons un tournant : celui de faire les choses avant tout pour SOI, et non plus pour plaire systématiquement à la société, alors que jusqu’à il y a une dizaine d’années, je pense que c’était encore l’inverse. Si en plus, cela permet de décrocher un boulot, ou de faciliter la vie, ma foi, c’est du bonus. Personnellement, je n’ai jamais de gêne à dire que je me suis fait refaire les seins, un lifting, etc. La technologie est là. Pourquoi ne pas l’utiliser ? »

« Depuis le début
du 21e siècle,
les standards
de beauté n’ont jamais été aussi bousculés. »

Portrait-robot de la beauté

Mais regardons au-delà. Existe-t-il des critères de beauté universels à travers les époques ? La réponse est oui. Depuis une vingtaine d’années, les expériences menées sur les critères dits de « physical attractiveness » tendent à démontrer que l’évolution, l’avènement des nouvelles technologies, le partage des connaissances à travers le monde permettent de dégager un véritable « portrait-robot » de ce qui nous rend beaux, et belles.
Un visage à petit nez et grands yeux serait plus attractif que d’autres. On reconnaît là les critères d’un visage d’enfant, ce qui disqualifie de facto la vieillesse et les visages âgés. Sans surprise également, l’attirance pour des visages sans bajoues et aux pommettes saillantes. Et puis tout à coup, le critère numéro 1 : la symétrie. Un visage globalement symétrique est jugé plus beau, surtout s’il n’est ni ovale ni carré.
Ne nous leurrons pas. Même si depuis quelques années la « size acceptance » est passée dans le coin, l’appréciation de la beauté se fait toujours autour de quelques vérités immuables : des dents mal plantées, des boutons sur le visage, les rides, les taches et les grimaces ne feront JAMAIS partie des critères de beauté !

La règle des 3 B

Autre privilège de celle qui est belle, elle répond à la règle des 3 B : Belle, Bonne et Bien. Pour les autres, il faudra vous y faire : la beauté est injuste et très inégalitaire ! Elle crée entre les êtres des inégalités qui ont souvent également de fortes implications dans le marché du travail.
Seul avantage : la beauté est fluctuante. Géographiquement d’abord et, ce, de tout temps. La peinture fournit des preuves évidentes de la relativité des canons de beauté selon les époques.
Ensuite, comme le dit Léa, il y a la science, la cosmétique et la chirurgie. On respire ! Ou pas. Car les enquêtes de psychologie sociale sont claires : la beauté est spontanément liée à l’intelligence, la gentillesse, la santé, la sympathie, la réussite, etc. Clairement, nous n’avons pas fini d’en parler ! Plus ou moins en conscience, dès l’école, la sélection beau/laid s’opère chez les enfants, laissant en souffrance ceux qui ont le malheur d’être trop petits, de loucher, d’être trop gros. Cette prise de conscience esthétique est souvent le premier choc du collège.
Dans le monde du travail, le sociologue Jean-François Amadieu a réalisé une expérience sans appel : un visage disgracieux sur un CV est un handicap certain. De même, un visage obèse a moins de probabilités de décrocher un entretien d’embauche qu’un autre. Le constat est triste : à l’école, au travail, en amour, en amitié et dans les relations humaines en général, il vaut mieux être beau. Mais heureusement, l’espoir est là et c’est tant mieux !

« Personnellement,
je n’ai jamais de gêne à dire que je me suis fait refaire les seins, un lifting, etc. La technologie est là. Pourquoi
ne pas l’utiliser ?  »

Je m’aime donc je suis

À commencer par le fait que 10 femmes dans le monde sont considérées comme des super top modèles. Et 3 milliards de femmes ne leur ressemblent pas. Les femmes ont toujours quelque chose à reprocher à leur corps. Un nez aquilin. Des lèvres trop fines. De la cellulite ou des cicatrices à cacher… Le ras-le-bol général s’installe et le body positivisme gagne du terrain. Une démarche qui prend ses racines bien avant la série Orange is the New Black sur Netflix, dans des mouvements en France et aux États-Unis pour ce que l’on appelle alors la « size acceptance », l’acceptation de ses kilos en trop pour les femmes en surpoids ou obèses. C’est à la marque Dove que l’on doit par la suite de s’attaquer à l’image des femmes dans les magazines et dans la publicité, en alignant en sous-vêtements blancs des femmes « ordinaires » fières de leurs corps.
Aujourd’hui, les femmes partisanes du body positivisme ont décidé d’aller plus loin. On n’hésite plus à se montrer 100 % naturelles. À laisser ses poils dépasser de sous les bras ou habiller nos jambes, que l’on a pris soin depuis l’âge de 10 ans pour certaines de laisser lisses pour le plus grand plaisir… des hommes.
En vérité, le body positivisme pousse les femmes à lâcher prise. À souffler. Laisser la nature faire. Et surtout se concentrer sur des choses plus importantes que notre corps et notre image, sans pour autant la négliger. Et les marques de cosmétiques l’ont bien compris, elles surfent aujourd’hui sur une nouvelle vague : la beauté inclusive.


La beauté inclusive, nouveau dada de la cosmétique

Il s’agit désormais de ne plus « souffrir pour être belle », ou de le « valoir », mais d’adopter ce nouvel état d’esprit plus à l’écoute des clientes et de proposer des produits personnalisés et diversifiés. La beauté inclusive, c’est un peu la revanche des peaux noires. L’aventure commence en 2017 avec Rihanna et Fenty Beauty. Jusqu’à son arrivée sur le marché, le fond de teint n’était proposé que dans une vingtaine de carnations pour les plus élaborées des gammes, et surtout dans des teintes claires. Rihanna prend le contrepied et propose une dizaine de teintes pour les peaux sombres. Bingo.
Depuis, les marques ont élargi leurs palettes de couleurs, Estée Lauder allant désormais jusqu’à 51 teintes pour le Double Wear fond de teint tenue intransférable SPF10. M.A.C 42 teintes pour le Studio Fix et Make Up Forever 40. Depuis, les rouges à lèvres, les fards à paupières et même les mascaras lui ont emboîté le pas. Et les marques surfent sur cette nouvelle vague de la beauté. Ainsi, Chanel réinvente les règles du genre en proposant une ligne de cosmétiques créée pour les hommes qui aiment le maquillage. Boy de Chanel comprend fonds de teint, correcteurs, eye-liners, vernis à ongles…

2020, l’avènement des beautés atypiques ?

Le 3 octobre dernier, L’Oréal Paris a organisé un « show militant » sur le parvis des Droits de l’Homme à Paris pour célébrer la beauté de toutes les femmes. Ouvert à tous, le défilé, qui a été orchestré sous le signe de l’inclusivité, de l’émancipation et de la diversité, a été retransmis sur les réseaux sociaux.
A-t-on réussi en 2021 à faire exploser les stéréotypes ? Dans les cours de récréation, la route est sans doute encore longue, mais on ne peut plus en dire autant des réseaux sociaux. Acné, vitiligo s’affichent sur les comptes Instagram, mais aussi les podiums. Si les jolies chevelures, les yeux de biche effarouchée et les peaux satinées sans défaut sont toujours la norme, se glissent désormais parmi elles des silhouettes bien loin des standards de beauté. On les appelle encore les « beautés atypiques ». Elles ont fait d’Instagram et Pinterest leur nouveau terrain de jeu, jusqu’à s’inviter sur les catwalks comme Winnie Harlow. Désormais égérie de Desigual et Diesel, cette Canadienne est atteinte de vitiligo, une maladie qui génère une dépigmentation de la peau qu’elle affiche fièrement.
Autre femme qui a fait de sa maladie un atout : Diandra Forrest. La mannequin afro-américaine atteinte d’albinisme est aujourd’hui l’égérie de la marque beauté Wet & Wild.
Citons encore pour nous convaincre que les codes changent Maeva Giani Marshall et son visage rempli de taches brunâtres s’apparentant à des taches de rousseur qu’elle a vu apparaître suite à un accident et la prise de médicaments. Toutes ces femmes véhiculent le même message : assumer un défaut peut rapidement faire de celui-ci une qualité.

« Le body positivisme pousse
les femmes à lâcher prise. À souffler. Laisser la nature faire. Et surtout se concentrer sur des choses plus importantes que notre corps et notre image,
sans pour autant la négliger. »

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