Le « quiet quitting » est en marche !

Travailler plus pour produire plus sans gagner plus, si ce n’est des ulcères à l’estomac. Si le phénomène de la Grande Démission n’a pas été une déferlante en Europe ou en Nouvelle-Calédonie, c’est à une nouvelle tendance que doivent faire face les employeurs : le quiet quitting, ou la démission silencieuse, consiste à « quitter » mentalement son travail en assurant le « minimum exigé » par le contrat.


Cette tendance s’observe nettement aux États-Unis et commence à gagner du terrain partout ailleurs dans le monde. Elle concerne plus généralement les jeunes salariés qui décident de lever le pied pour éviter un autre « incident du travail » mis en lumière ces dernières années, celui du burn-out (la hustle culture), dont la définition est limpide : une saturation maximum face à l’accumulation de tâches, d’horaires, généralement au détriment de la vie privée, sans reconnaissance mais avec un dévouement total. Une récente étude de l’institut Malakoff Humanis exprime ainsi que 23 % des jeunes salariés français jugent de manière négative leur santé mentale.
Ainsi, les arrêts de travail explosent chez les moins
de 30 ans depuis le début de l’année : en mars 2022, 36 % d’entre eux sont arrêtés, contre 18 % si l’on prend l’ensemble des salariés.

Popularisé sur TikTok

Le terme de quiet quitting est apparu sur TikTok au mois de juillet et dépasse déjà les 125 millions de vues sous le hashtag #quiequitting. L’idée : ne faire ni plus ni moins que ce qui nous est demandé, sans s’impliquer davantage, sans démissionner, mais en redonnant toute sa place à la notion d’équilibre entre le travail et la vie privée. Cette grève du zèle ne date pas d’hier, mais la démission discrète, comme on l’appelle aussi, a toujours existé : refuser de réaliser des tâches qui ne sont pas normalement de son ressort, refuser des projets qui manquent d’intérêt et, surtout, ne plus répondre en dehors des heures de travail.

6 signes qui font de vous un quiet quitter,
et ce n’est pas grave !

1 Vous ne faites jamais d’heures supp’
2 Vous ne lisez jamais un mail pro
en dehors du boulot
3 Vous refusez de nouvelles missions
4 Vous ne prenez pas d’initiatives
5 Vous ne vous définissez pas
par votre travail
6 Vous ne vous impliquez pas
dans la vie de l’entreprise

La quête du bien-être

L’idée n’est pas d’être fainéant, mais bien de revaloriser le travail fourni. Une notion induite également par les confinements et la crise Covid, qui ont replacé les liens familiaux et amicaux en centre du village. L’inflation souffle aussi sur les braises du quiet quitting : pourquoi travailler plus, se tuer à la tâche, se dévouer corps et âme pour finalement continuer de payer plus ? Quand on a du mal à faire face à ses dépenses avec son salaire, on a moins envie de s’engager totalement dans son travail.
Il ne s’agit pas non plus d’un manque de conscience professionnelle. Contrairement à ce qu’en pensent ses détracteurs, le quiet quitting fait valoir chez la génération Z (personnes nées entre 1997 et 2010) la quête du bien-être, induite par la liste à la Prévert de difficultés auxquelles elle doit faire face : crise sanitaire, crise économique, crise énergétique, crise écologique. En clair, une crise de confiance dans l’avenir. Alors on en vient à la seule question qui vaille : à quoi bon ? Pour cette génération Z, majoritaire sur le réseau TikTok, le travail n’est plus une priorité ni une fin en soi, mais un outil pour nourrir leur quête de bien-être résiliente. « Faire carrière » ne fait donc plus recette auprès de la jeune population d’actifs et les Anglo-Saxons parlent même de healthy boundaries, les saines frontières à mettre entre soi et le travail pour aller bien mentalement… et être performants !

« 23 % des jeunes salariés français jugent de manière négative leur santé mentale« 

Partisans du moindre effort ?

Les adeptes sont-ils tous pour autant des partisans du moindre effort ? C’est en tout cas ce que pense le très sérieux magazine français Marianne qui, sous la plume de Jean-Loup Adenor dans un billet d’humeur, parle d’un concept « fumeux » et « faussement rebelle » qui se joue au détriment des collègues plus précaires.
Pour Jean-Loup Adenor, « le monde n’a attendu ni les USA ni TikTok pour compter les flemmards légendaires et autres procrastineurs flamboyants ». Pourtant, les cadres dirigeants et les responsables des ressources humaines prennent ce mouvement très au sérieux, même si la France assure plus de stabilité (CDI, CDD…) et des horaires cadrés. Le quiet quitting ne serait donc pas un caprice, mais bien une posture de retrait, le plus souvent liée à une déception professionnelle.

Le quiet firing, la réponse des managers ?
En opposition ou en réaction au quiet quitting, certains managers ont choisi de « licencier sans bruit ». Comment ? En empêchant tout simplement un employé d’accéder aux opportunités sur le lieu de travail, en leur confiant des tâches intentionnellement rébarbatives ou en dessous de leurs capacités ou encore en refusant promotions et augmentations. La démotivation induite peut pousser alors ce dernier à poser sa démission, par ennui ou par frustration.

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