Qui a peur des vieilles ?

Coupes à franges « anti-âge », sérum et masque « jeunesse et
éclat » en tout genre, invisibilité dans le travail lié à la ménopause…
Dis ? Qui a peur des vieilles ? Les femmes ont-elles une date de péremption dans le travail ? Du coup, être vieux, c’est quand ?
Autant de questions sans réponses. Et pas sûr que vous
en ayez à la fin du dossier, mais de quoi nourrir le sujet, sans crème anti-âge !

Par Alix Barsacq


Surfant comme une débutante sur les réseaux de journaux féminins dealers de jeunesse, voilà que toute la rédaction du Belle, à 90 % peuplée de filles-femmes et à 10 % de José, se penche sur un article « totalement à l’ouest » et qui « va trop loin, non ? ». Deavita titre mi-novembre : « Quelle est la bonne forme d’ongles après 50 ans ? ». L’hallucination est collective.
D’abord, nous avons toutes rigolé, sauf José, déjà « sur le terrain », histoire d’échapper sûrement à l’ambiance hormonale de la rédaction. En Nouvelle-Calédonie comme ailleurs, l’invisibilité des femmes de plus de 50 ans est à l’œuvre. On ne les voit (presque) plus sur nos écrans, à la tête des entreprises ou des directions.
Où sont passées nos cinquantenaires ? Pas à la plage, ça, c’est certain ! Ont-elles choisi de se retirer dans leur foyer à la faveur de l’assèchement de leurs ovaires ? Non ! Sont-elles toutes parties en trek au fin fond de la Papouasie pour se trouver une nouvelle identité ? Encore moins ! Elles ne vieillissent pas. C’est encore pire : elles non-existent, deviennent invisibles. Alors après 5 ans de #MeToo, elles sortent de leurs chaussons tout confort pour vous mettre un bon coup de talon de 10 cm ! Un peu finalement comme ces actrices françaises qui, depuis deux ans, ont pris la question à bras le corps avec la commission AAFA-Tunnel, qui rappelle que malgré les alertes, « seuls 7 % des rôles ont été attribués à des comédiennes de plus de 50 ans. En 2020, c’était 9 %, en 2019, 8 %, en 2016, 6 % et en 2015, 8 % » se désole Catherine Piffa, comédienne et membre active. Reste que dans le monde, 600 millions de personnes ont aujourd’hui plus de 60 ans et ce chiffre culminera à 2 milliards d’ici à 2050. Reste qu’aujourd’hui, en France, une femme majeure sur deux a plus de 50 ans : 51 % de la population féminine majeure, un quart de la population majeure totale.

Fais gaffe à tes ovaires !

Alors nous voilà avec un sujet qui devrait nous occuper tout l’été : faut-il vraiment avoir peur des « vieilles » ? Et puis, quand peut-on dire d’une femme qu’elle est vieille ? Y a-t-il une date de péremption qui vient avec la ménopause, comme si nous ne pouvions plus passer le contrôle technique et que nous étions bonnes au rebus ? C’est en tout cas ce que tend à laisser croire la société. Nous avions déjà enquêté sur la ménopause sociétale1. Selon une enquête récente de février 2020 menée par le groupe MGEN et la Fondation des femmes, 44 % des femmes en préménopause évoquent un impact négatif sur leur quotidien. Et 41 % d’entre elles ont déjà entendu des commentaires ironiques ou moqueurs.

« Aujourd’hui, en France, une femme majeure sur deux a plus de 50 ans.« 

Fais péter ton style 50 ans !

Alors avoir 50 ans, est-ce se retrouver dans l’antichambre de la mort sociale ? Pas si sûr ! On est okay pour les cheveux gris. On est okay pour la frange qui nous file dix ans de moins en un coup de ciseaux (sauf si tu choisis la coupe Playmobil ou Beatles qui te fera passer pour Mireille Mathieu, toujours vivante si vous vous posez la question). Parce qu’on est malignes, on est aussi okay pour tous les acides hyaluroniques, patchs anti-rides, programme de remise en forme spécial fesses molles et même pour se faire charrier un peu sur les pattes d’oies.
On l’est moins quand il s’agit de prendre les cinquantenaires et plus pour des potiches à ranger à la maison en tant que reine de la purée de pommes de terre et des chiffons doux pour les vitres. Quand elle a créé le média J’ai Piscine avec Simone en 2016, la journaliste Sophie Dancourt avait l’ambition de donner de la visibilité aux femmes de plus de 50 ans. Elle n’est plus la seule.

Vieille, c’est à quelle heure ?
À 50 ans, la femme disparaît soudain des écrans radars. Et pourquoi ça ? Sophie Dancourt, fondatrice du media J’ai Piscine avec Simone, et Catherine George-Hoyau, journaliste, mènent l’enquête dans un podcast malin pour découvrir les raisons de cette obsolescence programmée en compagnie de personnalités à la parole libre et intergénérationnelle. Avec, derrière, une obsession : vieille, c’est à quelle heure ?

La fin de l’invisibilité

L’invisibilité : c’est fini, et c’est Anne Thevenet-Abitbol, directrice des projets et des nouveaux concepts du Groupe Danone, qui le dit. Être trop jeune pour être vieux et trop vieux pour être jeune, ce n’est pas une tare, c’est un chemin de vie à revendiquer, une expérience à apporter. Désormais, il n’y a plus que les hommes qui se bonifient avec le vin, que ce soit dans la sphère familiale ou professionnelle. Il est temps de se libérer du syndrome de la bonne élève et de la femme parfaite pour être celle que l’on a envie d’être. Il n’est jamais trop tard pour cela. Bonne nouvelle : en moyenne, les Français considèrent que l’on devient une personne âgée à 72 ans. D’après les données de l’INSEE, cela représente un peu plus de 8 millions de personnes. Reste quelques petites « embrouilles » à régler tout de même…

La première, c’est que si l’on regarde cela sous l’angle de l’entreprise, la moyenne de la vieille tombe à 45 ans… Les mauvaises idées ont la vie dure ! La seconde, c’est que ce qu’il y a de bien (ou pas) avec le fait d’avoir 50 ans en 20222, c’est que tu as le même âge que la loi sur l’égalité salariale femmes-hommes. Terrible constat, n’est-ce pas, surtout quand on sait que cela ne marche pas, ou peu, et qu’au rythme où l’on avance sur cette question d’égalité, les femmes peuvent espérer avoir le même salaire que les hommes d’ici… les calandres grecques !

L’Angleterre sort ses vieilles du placard
L’association londonienne Center For Ageing Better estime que la place des femmes de plus de 50 ans au sein des entreprises doit être mieux prise en considération. Pour y parvenir, elle a lancé une campagne photographique « A woman’s work » dans tout le pays, montrant leur implication et leur stabilité face à une jeunesse plus « volatile » dans le monde du travail. L’association entend ainsi démontrer que les femmes de 50 ans restent une main-d’œuvre « inclusive en termes
de genre et d’âge ».

Aujourd’hui, en France, une femme majeure sur deux a plus de 50 ans : 51 % de la population féminine majeure, un quart de la population majeure totale. Relis deux fois. Sans te précipiter. Tu as compris ? Alors, qui a le pouvoir ? Qui a (encore) peur de devenir vieille ?

  1. Voir Belle du mois d’août 2020 ou en ligne sur Belle.nc
  2. La loi du 22 décembre 1972 inscrit dans le Code du Travail le principe de l’égale rémunération des femmes et des hommes. La loi précise désormais que « Tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ».

« 1 femme sur 5 en préménopause
a déjà caché les effets liés à son état dans le cadre de sa vie privée, et 13 % des femmes ménopausées ou préménopausées dans le cadre professionnel. »

No Comments Yet

Comments are closed