L’effet matrice, ou comprendre « l’alimentation santé »

Tous les aliments sont composés de nutriments. Ces derniers agissent de concert et en synergie. C’est ce que l’on appelle la matrice alimentaire.


Protéines, lipides, glucides, vitamines, oligo-éléments. Les effets des nutriments sur la santé sont multiples. Mal combinés, ils peuvent au mieux n’apporter aucun effet bénéfique, au pire nuire à la santé. Des chercheurs finlandais ont ainsi tenté l’expérience avec le calcium apporté par le lait. Était-il plus bénéfique d’en consommer sous forme de laitage, de fromage ou de compléments alimentaires ? Trois groupes de jeunes filles de 10 à 12 ans ont ainsi pris quotidiennement pendant deux ans pour le groupe 1 un supplément calcique, le groupe 2 du calcium (1 g) et de la vitamine D et pour le groupe 3, du fromage (apportant l’équivalent d’1 g de calcium. Surprise : c’est le fromage qui a entraîné chez ces jeunes consommatrices un gain de masse osseuse, supérieur donc au calcium médicamenteux. Cela démontre l’effet matrice, l’aliment pris dans sa globalité et son contexte nutritionnel serait bien plus puissant qu’un complément.

Nouvelle approche ou concept-clé ?

La prise en compte de cette fameuse matrice alimentaire pourrait bien révolutionner la nutrition, après plus de 50 ans à se concentrer sur les nutriments séparément. Depuis quelques années, l’idée fait doucement mais sûrement son chemin que lipides, glucides, protéines et micronutriments doivent être approchés non plus séparément mais dans leur ensemble. Ainsi, la valeur nutritionnelle d’un aliment ne doit plus s’envisager uniquement en tenant compte des nutriments, mais aussi en fonction de la matrice de l’aliment et des interactions entre tous les constituants de ce dernier. De quoi élargir le champ d’action face à des maladies sur le long terme comme l’ostéoporose, le diabète ou encore l’obésité. Ce type de raisonnement ne s’adresse pas aux carences ponctuelles qui peuvent ici être compensées par les compléments alimentaires. Rien de mieux que la pomme pour résumer la pensée d’une alimentation où l’on tient compte de l’effet matrice. Consommée entière, la pomme engendre un meilleur effet insulinique. Bien meilleure que celui de la compote qui libère plus vite les sucres dans l’organisme, bien meilleure elle-même que le jus de pommes dont la réponse de satiété est minimale. Le principe est le même quand on parle de « nutriments lents ou rapides » qui entraînent des réponses différentes avec des conséquences distinctes dans l’organisme.

L’effet satiétogène

Encore un mot barbare qui est pourtant le critère numéro un de la prise de poids, la satiété. Ce paramètre est largement sous-estimé au regard de la santé, il est pourtant crucial quand il s’agit de lutter contre l’obésité. La réponse minimale de l’estomac au cerveau est de 20 minutes avant de déclencher un sentiment de satiété. Les aliments qui demandent plus de mastication s’avalent moins vite. Rien de plus que de la mécanique là-dedans ! Ainsi, plus un aliment est transformé, plus son impact glycémique est élevé et moins vous êtes rassasiés. CQFD !

L’effet matrice
Deux aliments n’ont pas le même impact sur l’organisme, et par extension sur la santé, bien qu’ils aient une composition strictement identique, à partir du moment où ils ont une matrice différente. Celle-ci étant l’interaction complexe ou assemblage entre les différents constituants, à savoir, les nutriments d’un aliment (eau, glucides, lipides, protéines, vitamines, minéraux, fibres…).

* L’alimentation et l’industrie

La chasse aux aliments ultra-transformés

Ils seraient néfastes pour votre santé et provoqueraient chez chacun d’entre nous une tendance à l’embonpoint, voire l’obésité, tout en favorisant les maladies chroniques. Les aliments dits ultra-transformés sont les (nouveaux ?) ennemis de votre santé. 

Plats préparés, céréales, yaourts aromatisés… conçus pour vous faciliter la vie et l’alimentation, ces produits qui devaient faire partie occasionnellement de votre régime alimentaire sont aujourd’hui consommés en quantités anormalement élevées selon les nutritionnistes et les professionnels de la santé. 
Soyons clairs, si tous ces aliments industriels ne sont pas mauvais pour le corps, certains n’ont cependant plus rien à voir avec des aliments bruts. Le fait est avéré : au supermarché désormais, deux aliments sur trois sont ultra-tranformés. Alors qui sont-ils ? Comment les reconnaître et agir en « moindre mal » ? En fait, c’est assez simple. Ils ne nécessitent peu ou pas de préparation. Vous pouvez donc ranger dans cette catégorie les snacks, plats préparés qu’il suffit de réchauffer ou encore les boissons, le plus généralement sucrées. On les qualifie le plus souvent de « pratiques », souvent congelés. 

Le sucre de coco est-il meilleur pour la santé ?
D’un point de vue calorique,
le sucre de coco issu de la fleur de cocotier présente la même quantité de calories que le sucre ordinaire et le sucre complet. En revanche, il contiendrait des vitamines et minéraux (polyphénols, potassium en quantité importante), pour le sucre provenant des Philippines,
selon le site Nutrition.fr. 

Enjeu de santé publique

Pour aller plus loin, ils sont aussi généralement pauvres en micronutriments, riches en calories et moins rassasiants. Ce sont souvent des aliments plus « plaisir » que « qualitatifs ». Si la liste d’ingrédients qui les composent dépasse le nombre de cinq, qu’ils sont si raffinés qu’on ne reconnaît plus l’aliment d’origine et qu’ils sont bourrés de produits artificiels, pas besoin de vous faire un dessin. 
Derrière ces aliments qui nous font souvent envie au point qu’ils représentent aujourd’hui plus de 50 % des aliments consommés*, un vrai danger pour la santé, selon le ministère français du même nom. Une étude espagnole montre que manger plus de quatre portions par jour est associé à un risque accru de mortalité, toutes causes confondues. 
Pour le ministère de la Santé, c’en est trop. Cette année, il recommande de baisser la consommation de ces produits de 20 %. Les géants de l’industrie alimentaire disent également jouer le jeu depuis 2017 en réduisant de 5 % environ par an la part d’ingrédients ultra-transformés de leurs produits.  

Comment lutter ? 

En y allant doucement mais sûrement. Il va sans doute falloir changer pas mal de choses dans vos habitudes alimentaires. L’industrie alimentaire ne propose pas que des plats tout préparés. À vous également de faire l’effort de regarder d’un peu plus près votre alimentation. Commencez par noter, sur 15 jours, tout ce que vous mangez, boissons comprises. Vous pourrez alors obtenir une cartographie de votre alimentation et voir quelle part représentent les produits ultra-transformés dans votre vie. Ne trichez pas !
Pour prendre de nouvelles habitudes sans pour autant éliminer les petits plaisirs gustatifs ou les rendre occasionnels, faites votre transition en douceur. Si vous ne savez pas cuisiner, c’est le moment idéal pour prendre des cours, mais vous pouvez aussi vous lancer tranquillement. Car moins les aliments sont transformés, meilleurs ils sont. Griller un steak, composer une salade, cuire des pommes de terre est à la portée de tout le monde. Si c’est une histoire de temps, c’est surtout une histoire d’organisation. Les plus disciplinés d’entre nous cuisinent à l’avance, souvent le dimanche, pour ensuite congeler des portions à ressortir dans la semaine. La même technique peut s’appliquer en faisant une ou deux portions supplémentaires, à congeler également.  Si vous ne pouvez pas vous passer tout de suite de votre plat principal tout préparé, commencez par ajouter un fruit au repas ou une salade, là encore pour une transition en douceur. Diminuez par la même occasion les boissons sucrées (light ou pas light !). Si ce sont les bulles qui vous intéressent, remplacez votre soda par de l’eau gazeuse, même aromatisée. C’est un bon moyen de diminuer sa consommation. 

Le sel, votre meilleur ennemi 

Ce que l’on reproche le plus aux produits ultra-transformés, c’est leur forte teneur en sel. Or, plus on mange salé, plus on aime le goût du sel. Une véritable drogue. Quand on cuisine, on n’ajoute plus de sel. Cela va vous aider à réduire votre consommation. Utilisez des alternatives comme les épices, l’ail ou l’oignon en poudre, le poivre… Manger moins de plats préparés et de pain reste cependant le meilleur moyen de réduire sa consommation de sel. Concernant le pain, comme les pâtes ou le riz, mieux vaut les prendre en version « complète », beaucoup moins nocive pour l’organisme. Il est aussi préférable de ne consommer de la charcuterie qu’une fois par semaine. Elle est en effet soupçonnée actuellement de favoriser les cancers. 

*Études parues en 2019 dans le British Medical Journal

Intolérance au gluten
Il y aurait aujourd’hui deux fois plus d’enfants touchés par la maladie cœliaque qu’il y a 25 ans. C’est en tout cas ce qui ressort d’une étude réalisée parmi 7 700 enfants de 5 à 11 ans et présentée au 6e Congrès mondial de Gastroentérologie, d’Hépatologie et de Nutrition. Les chercheurs ont pu comparer leurs résultats à une étude similaire basée sur un programme de dépistage réalisée il y a 25 ans. Actuellement, le seul traitement connu est un régime sans gluten qui permet une amélioration de la paroi intestinale. Un dépistage précoce permettrait de garantir une meilleure qualité de vie aux enfants. 

*La rencontre

Sébastien kardinal
« J’ai une vision hédoniste de la cuisine »

Critique gastronomique, Sébastien Kardinal est aussi un chef cuisinier végan, auteur culinaire et à la tête d’une chaîne YouTube qui rend le véganisme ultra branché. La rencontre parisienne qui va vous faire aimer le « Food Porn » végan !

La question qui tue : Pourquoi être devenu végétarien/végétalien ? Pour sauver les animaux ou par conviction culinaire ? Avez-vous « franchi » des étapes avant de le devenir ?
Sébastien Kardinal : Je suis devenu végétarien en 1986 en pleine adolescence, sans aucune raison autre que je n’aimais pas du tout la viande ou le poisson. Et c’est une alimentation qui me correspondait assez bien jusqu’au moment où j’ai découvert le véganisme en 2006. Je me suis alors rendu compte que consommer des produits laitiers ou des œufs n’était pas neutre envers les animaux, l’écologie ou la santé. Bien au contraire ! J’ai alors découvert l’envers du décor du monde de l’exploitation animale dans toute sa cruauté et son inutilité. En 2007, je suis devenu végétalien, avant d’adopter un mode de vie complètement végan.

Qu’est-ce qui vous a conduit au début à vouloir supprimer la viande de votre alimentation ?
C’était une pure affaire de goût personnel. Je détestais l’odeur de la viande crue, mais aussi cuite, je n’aimais pas la texture en bouche, les goûts me déplaisaient fortement ! Et pourtant, j’ai reçu une solide éducation culinaire, avec des parents aimant cuisiner des produits frais et de qualité, avec un certain savoir-faire. Donc, je n’ai pas eu de traumatisme et de rejet à cause d’une cuisine médiocre et de produits bas de gamme. Loin de là !

Contrairement à de nouvelles formes d’alimentation comme la pratique du jeûne intermittent, le végétarisme n’est pas une pratique nouvelle ?
Le végétarisme n’est en effet pas du tout nouveau. En Occident, on s’y intéresse depuis la fin des années 70, mais ça restait marginal. En revanche en Inde, on est sur une culture millénaire, où le végétarisme et l’hindouisme étaient intimement liés depuis toujours. Partout où le bouddhisme s’est diffusé en Asie, une alimentation végétale s’est naturellement implantée. Et ce n’est qu’un exemple ! Il y a des traces à travers l’Histoire de peuples ou de communautés végétariennes. Je pense par exemple aux Cathares ou aux Esséniens.

Vous vivez à Paris, est-ce que vous avez vu évoluer dans cette grande ville, on peut le dire, la proportion de personnes se révélant aujourd’hui végétaliennes ?
Il est certain que depuis quelques années le végétalisme séduit de plus en plus de monde ici. L’offre en restauration a explosé et les rayons des magasins sont relativement bien pourvus en produits végétaliens. Il y a eu une grande évolution positive à ce niveau depuis environ 6 ans. Mais… la réalité est surtout que la population se tourne vers le flexitarisme et non le végétalisme. Il y a une prise de conscience assez globale sur la nécessité de réduire la consommation de viande, mais la plupart des gens ne sont pas encore prêts à faire le pas complet. Simplement parce que la souffrance animale n’est pas une priorité à leurs yeux, alors que l’environnement, le réchauffement climatique, la pollution, ça parle davantage. Et comme la production de viande est une des industries les plus polluantes et énergivores…

Y a-t-il plusieurs types finalement de « végétalismes » ?
Alors oui, bien sûr ! Le socle commun est toujours une alimentation 100 % végétale, excluant la viande, le poisson, les fruits de mer, les produits laitiers, les œufs, le miel. Mais certains iront plus loin en refusant les produits transformés, d’autres ne consommeront que bio, quand certains refusent de consommer du gluten ou du soja… Sans alcool, sans sucre, sans gras… ou même complètement cru. Mais ce sont des points de vue totalement individuels. Il y a d’ailleurs encore beaucoup d’amalgames entre ces points particuliers et le régime alimentaire végétalien. Il n’est pas rare de s’entendre proposer un plat sans gluten quand on est végan. Ce qui n’a aucun rapport. Comme proposer du poisson à un végétarien en somme…

Vous êtes auteur de nombreux livres sur la question, mais aussi d’une chaîne YouTube. Pourquoi avoir voulu écrire, et surtout des livres finalement « décalés » de ce que l’on peut rencontrer dans cet univers culinaire ?
Avec ma compagne, j’ai commencé en 2007 par un site Internet où il y avait, entre autres, des créations culinaires végétaliennes. On a rencontré pas mal de succès à l’époque et on a été approchés par une maison d’édition. C’était un peu la « consécration » ! L’univers du livre permet de diffuser cette cuisine autrement, et c’est important de diversifier ses canaux de communication. Et même à l’heure d’Internet avec ses recettes gratuites en ligne, le livre a vraiment un rôle à jouer. En revanche, je ne fais pas des livres de cuisine généralistes avec des recettes vues et revues. J’aime apporter une autre vision des choses et m’attaquer à des sujets plus originaux, mais qui répondent malgré tout à une demande ou une interrogation. J’y mets beaucoup de ma personnalité et je ne propose jamais rien que je ne mangerais pas avec appétit. Rendre le végétalisme sexy, attractif, jouissif, c’est ça que j’aime faire. En fait, j’écris les livres que j’aurais aimé avoir à mes débuts dans le végétalisme.

Sébastien Kardinal est co-fondateur de VG-Zone.net, un site végan influent. Il est l’auteur de sept ouvrages de cuisine végan aux Éditions La Plage, traduits dans plusieurs langues (anglais, espagnol, allemand, italien…) et collabore aux pages culinaires de différents magazines tels que VegMag ou Alternatives Végétariennes (la publication officielle de l’Association Végétarienne de France).

Pourquoi finalement vouloir « imiter » par certains aspects le goût de la viande ? Faux gras, faux steak, etc.
Il y a plusieurs bonnes raisons à cela. Ce n’est pas parce que l’on choisira de changer de mode alimentaire que l’on doit renoncer à notre culture. Les similicarnés permettent de conserver cet aspect culturel. Ensuite, c’est bien plus facile à appréhender au quotidien pour équilibrer ses repas. On peut garder la même construction des assiettes, en remplaçant simplement la viande par autre chose, qui aura la même fonction, car les similicarnés sont une très bonne source de protéines. Enfin, je dirais que le remplacement fait partie de la nature ancestrale de la gastronomie végétale. Le seitan, le tofu, le tempeh sont des spécialités très anciennes, remplacer la viande a toujours été au cœur de la cuisine végétale. Ce n’est donc pas illogique de perpétuer cette tradition avec une vision plus contemporaine.

En Inde, on est sur une culture millénaire, où le végétarisme et l’hindouisme étaient intimement liés depuis toujours. Partout où le bouddhisme s’est diffusé en Asie, une alimentation végétale s’est naturellement implantée.

Quelle est la question ou la réflexion qui vous énerve le plus quand on vous parle de végétalisme ?
« Bah, vous mangez quoi alors, s’il n’y a pas de viande ? » Là, j’énumère une liste interminable des légumes, fruits, champignons, céréales, oléagineux, légumineuse et de plats en tous genres… Généralement, ça calme !

Vous avez un style bien à vous, que l’on juge souvent impudent. Finalement très frenchy, non ?
J’aime casser les codes et prouver que le régime végétalien n’a rien de privatif, triste, fade, ascétique. Au contraire, mon travail consiste à recréer de bons gros plats traditionnels, de la street food hyper gourmande, de jouer avec les sens, procurer tout à la fois plaisir et satiété. J’ai une vision hédoniste de la cuisine, avec de la générosité, de la convivialité. Alors oui, l’art de la table, c’est très français, mais je suis aussi loin des glorioles chauvines. J’ai une grande ouverture d’esprit sur les autres cultures culinaires et je me retrouve beaucoup dans les traditions anglo-saxonnes, par exemple. On dit souvent que j’ai un humour très british d’ailleurs…

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