Être mère en 2018 : l’ultime tabou

Est-ce que la maternité représente le dernier bastion contre le féminisme ambiant ? La réponse est non. C’est même certainement d’elle que tout découle. Au milieu des célébrations, entre la journée de la femme et la fête des mères, que veut dire être mère en 2018 ? Est-ce l’ultime tabou pour celle qui s’épanouit dans sa carrière ?

C.Idoux

« Couvrez ce sein que je ne saurai voir Par de pareils objets, les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées »

Ces quelques vers de Molière dans le Tartuffe résument en quelques mots le regain de pudibonderie populaire face à une femme en train d’allaiter dans un lieu public. Alors que cet acte est tout ce qu’il y a de plus naturel, elles sont souvent gênées par les regards, si ce n’est les réflexions en tout genre. « J’ai fait le choix d’allaiter mon enfant, raconte Cyrielle. J’ai été mère sur le tard comme on dit, à 39 ans. Parce que j’ai fait le choix de consolider ma carrière afin de consacrer toute mon énergie et mon argent à mon enfant. Allaiter en public a été l’épreuve la plus compliquée ». Les regards appuyés. Les petites réflexions comme « les biberons existent ».

Cyrielle n’est pas pour autant « un ayatollah de l’allaitement. Je me suis retrouvée une fois dans une réunion sur l’allaitement. À la question “pourquoi est-ce que vous allaitez ?”, j’ai été la seule à répondre “par plaisir”. J’avais le sentiment d’avoir choqué l’auditoire ».

Tout le problème est là. La maternité doit d’abord être un choix. Pouvoir s’organiser autour de la notion de plaisir, sans rien sacrifier — ou presque — au reste de sa vie de femme.

Carrière. Enfants. Foyers. Voyages. Amis. Conjoint. Les mamans du 21e siècle veulent tout, « mais avant tout de la flexibilité. Et dans notre couple, ce n’est pas moi que cela concerne, taquine Nathalie, maman de jumeaux et directrice d’une grande enseigne. C’est mon mari qui a pris en charge la question “maternelle” à la maison si je puis dire. Il a quitté son poste pour monter sa propre entreprise afin d’avoir des horaires plus souples pour s’occuper des jumeaux. Et croyez-moi, leur arrivée a été l’objet de longues discussions, débats et compromis au sein de notre couple. »

L’heure du choix ?

En 2016, la Nouvelle-Calédonie a enregistré 4 270 naissances sur ces trente-trois communes. Un taux de natalité relativement élevé, mais dont la charge incombe toujours bien plus souvent à la femme. Cette dernière doit-elle pour autant tout sacrifier ? Si cette notion était encore d’actualité il y a 50 ans, ce n’est aujourd’hui plus le cas. Les femmes veulent vivre pleinement leur maternité et leur carrière. Plus encore, elles veulent qu’on leur laisse le choix et qu’on ne juge pas une maman qui a décidé de faire passer sa carrière en premier comme une « mauvaise mère », simplement parce que papa est celui qui reste à la maison.

« Tout est une question de choix et de respect du désir de l’autre. Un enfant, cela se réfléchit, bouleverse une vie et représente un tsunami qui va durer à peu près 20 ans. On n’est pas chez les Bisounours ! » s’exclame Catherine, mère de 4 enfants, au foyer « et heureuse de l’être.

Une mère ne cesse jamais d’être une femme

Briser l’image de la ménagère

La mère du 21e siècle a choisi de partager sa charge mentale maternelle, si tenter qu’elle soit en couple. « La vie active nous donne encore plus envie de trouver des façons de passer du temps avec nos enfants, tout en gagnant notre vie, explique Cécile. Je ne suis pas seulement une mère au foyer. Je suis aussi une carriériste et je tiens à ne pas perdre mon identité au passage entre les deux. C’est un exercice d’équilibriste. Pas facile tous les jours ».

Et puis il y a ce réseau insoupçonné. Celui des mampreneurs, ces mamans qui travaillent, s’entraident et font un pied de nez à celles et ceux qui voudraient les cantonner à leur cuisine.

Car dans l’imaginaire collectif, être une bonne mère au 21e siècle, c’est encore « bien nourrir sa famille. Je suis diplômée en droit et je rêvais d’une grande carrière. Mais je me sentit rattrapée par l’instinct maternel à 30 ans explique Nadia, maman de deux adolescents. Je ne supportais plus d’être tiraillée entre passer du temps avec mes enfants et travailler ». Comme beaucoup d’autres femmes, Nadia n’a pas honte d’être maman à la maison, mais souhaite que l’on casse un peu l’image de la ménagère en blouse et torchon de cuisine à la main. Alors elle a choisi le télétravail, une formule plébiscitée par nombres de femmes qui souhaitent maitriser leur emploi du temps pour offrir le meilleur à leurs enfants, en couple ou pas.

Cependant, si en 1976 rester à la maison pour élever ses enfants était une norme, ce n’est plus le cas aujourd’hui, et même une exception. « C’est la notion de renoncement qui n’existe plus, estime Caroline. On met sa carrière ou le travail entre parenthèse ou en mode ralenti quelques années, avant de se fixer des objectifs une fois les enfants un peu plus grands. Nous avons gagné en liberté je trouve. ». Celle d’aimer. Celle de maitriser le temps consacré à chaque partie de sa vie. Une liberté de choix.

Sans compter ?

Une récente étude américaine avance que les femmes passeraient cependant 14 heures par jour à s’atteler à des tâches liées à leur statut de maman. En clair, cela reviendrait à cumuler 2,5 boulots. L’étude a été menée aux États-Unis auprès de 2000 mères de famille dont les enfants ont entre 5 et 12 ans. La journée d’une (super) maman commence en moyenne à 6 h 23 et se termine au-delà de 20 h 30, ce qui est bien au-delà de ce qui est imposé dans le monde du travail. Les supermamans ne consacrent ainsi qu’une heure à peine par jour à leur propre besoin. « Pour moi ce serait une véritable torture, explique Marie-Jo, carriériste et comme elle le souligne “accessoirement maman”. Je n’ai pas honte de dire que c’est à eux de suivre le mouvement et pas à moi de suivre le leur, même si tout le monde fait des concessions. Il est évidemment que maintenant qu’ils sont ados, mon mari et moi leur consacrons moins de temps certes, mais de meilleure qualité j’en suis sûre, d’ailleurs ils ne s’en plaignent pas ! ».

En clair, être maman en 2018, ce n’est plus jouer un rôle comparable à une bouée de sauvetage avec une To-Do-List dans la tête pour chaque être humain qui peuple la maison tout en pensant à faire les courses et s’épiler entre midi et deux sur sa pose déjeuner ! C’est un juste équilibre à trouver entre le conjoint, le travail et les enfants. L’harmonie familiale a encore de beaux jours devant elle. Mais gardez à l’esprit un mantra fondamental : une mère ne cesse jamais d’être une femme.

 


Quid du stress ?

Les mamans seraient plus heureuses aujourd’hui, mais aussi plus stressées. En cause, le cumul de la vie professionnelle et du rôle de mère à plein temps. Une étude menée par le Bureau de la Statistique nationale britannique (Office for National Statistics) montre que les mamans affichent aujourd’hui des « niveaux plus élevés de satisfaction et de bien-être personnel que les hommes » tout en augmentant leur niveau de stress.

Quatre questions ont été déterminantes dans ce test sur une échelle de 0 à 10 : Etablissez à quel point êtes-vous satisfait de votre vie actuelle. À quel point les choses que vous faites dans votre vie de tous les jours vous semblent-elles utiles ? Étiez-vous heureuse hier ? Vous sentiez-vous anxieux hier ?

 


 

Se retrouver pour échanger

À Paris, le Poussette Café accueille les jeunes parents et les femmes enceintes dans un lieu de convivialité pensé pour les enfants. On y échange sur son rôle de parent et de mère et la bouleversante expérience que cela représente pour sa vie de famille. En Nouvelle-Calédonie, la Maison de la Famille de Rivière-Salée propose le même type de dispositif, avec des matinées ou des après-midi à thème, basés sur l’échange et le partage. Si vous habitez Nouméa, n’hésitez pas à en pousser la porte !

www.noumea.nc puis Espace Parents

 


À Lire

Caroline LambertMaman sereine, Mère et femme : les clés pour trouver votre équilibre, coll. « Ma p’tite famille », First Editions.
Marie Thuillier, Guide de survie de la jeune maman, coll. « Topito », LEDUC.S Editions.

Sarah Hines-Stéphen, Comment être Top Maman, coll. Comment, Hugo Images Editions.

 


Les 5 commandements

  1. Faites-vous à l’idée que vous ne serez jamais parfaite.
  2. Arrêtez de vouloir être Supermaman à tout prix et choisissez vos combats.
  3. N’imaginez pas que vous êtes indispensable à toutes les tâches. On sait, c’est frustrant. Adieu la perfection !
  4. Établissez des habitudes, notamment pour les courses. Le même jour à la même heure. Cela vous allègera la tête.
  5. Pensez à vous et faites-vous plaisir. Prenez du congé quand les enfants sont à l’école. Le centre aéré est aussi votre meilleur ami.
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