La pilule de la discorde

La pilule contraceptive a 50 ans. Longtemps désirée, elle est aujourd’hui décriée. Elle reste pourtant à ce jour l’un des contraceptifs les plus utilisés à travers le monde. Quels sont les arguments avancés pour que ce symbole de la libération sexuelle des femmes soit aujourd’hui rejeté par les féministes du 21e siècle ? 

C.Idoux

Avez-vous récemment entendu parler de l’application Natural Cycles ? Développée en Suède, elle se positionne comme une méthode alternative à la pilule contraceptive, plus fiable et moins contraignante… en lui faisant confiance, 37 Suédoises sont tombées enceintes. Une véritable affaire nationale au point que l’Agence suédoise des médicaments a ouvert une enquête… Ne plus faire confiance à la pilule contraceptive c’est une chose. De là à penser qu’une application vous évitera une grossesse, il y a quand même de la naïveté dans l’air.

Méfiances et ras-le-bol. La pilule, comprimé longtemps « magique », a libéré des générations de femmes (et d’hommes). Ce contraceptif oral, facile à prendre est toujours considéré comme fiable à 99 %. Si la pilule reste le contraceptif le plus utilisé en France et en Nouvelle-Calédonie, elle séduit de moins en moins les jeunes qui se détourne d’une méthode chimique, mais aussi par un choix plus grand et moins contraignant comme l’implant facile à gérer, le stérilet désormais prescrit également aux femmes sans enfants, le patch (non disponible sur le Caillou) qui s’utilise à l’occasion.

Les femmes souhaitent de plus en plus recourir à des méthodes ou des moyens plus naturels ou mécaniques comme la capote. Ras-le-bol finalement d’avaler chaque jour, pendant parfois de longues années, cette petite dose d’hormones chimique qui finit par vous taper sur le système.

La pilule en procès. La vraie raison de ce détournement pour les professionnels de santé, c’est le mauvais procès intenté à la pilule depuis fin 2012 et la tragique histoire de Marion Larat. La jeune femme a été frappée par un accident vasculaire cérébrale qu’elle attribue à la prise de sa pilule. Sa plainte en justice déclenche une vague de défiance sans précédent contre tous les contraceptifs oraux, quelle que soit leur « génération ». Les effets secondaires sont pointés du doigt. L’année dernière, le livre « J’arrête la pilule » de Sabrina Debusquat enfonce le clou.

Pour la sociologue et chercheuse Janine Mossuz-Lavau qui travaille notamment sur la sexualité, le rejet de la pilule a commencé dans les années 2000. Deux enquêtes lui ont permis de démontrer que les femmes qui rejetaient la pilule appartenaient surtout au milieu populaire par crainte des effets secondaires sur leur santé et, plus insidieux, le refus pour les jeunes femmes de prendre la pilule comme moyen de pression pour leur partenaire de mettre une capote… pour éviter les MST et une contamination VIH. 

Les femmes se méfient des hormones

L’argument écolo. Pour cette chercheuse, le plus étonnant reste dans le cadre de sa dernière enquête les arguments écologiques contre la pilule. « Je mange bio donc pas d’hormones dans mon corps ». La peur des hormones ne concerne pas que les écologistes. Mais aussi une catégorie de femmes décrites comme plus favorisées de la société. Par souci écologique, elles assimilent les hormones à des perturbateurs endocriniens. L’argument, s’il est difficile à concevoir, n’est pas non plus à rejeter. Après tout, on en sait encore peur sur les effets secondaires à moyen et long terme de la pilule contraceptive, alors que cette dernière a déjà 50 ans !

Reste que les femmes d’aujourd’hui ont largement évolué. La donne n’est plus la même dans ce qu’elles attendent de la vie, de leur rôle dans la société et plus simplement de la parité qui semble aussi vouloir s’exprimer à travers la contraception. Ce « retour en arrière » n’a pas non plus fait augmenter le nombre d’IVG, notamment en France. La pilule du lendemain n’est cependant pas une fin en soi et ne doit pas être considérée comme un moyen de contraception. Son nom, aussi poétique soit-il, cache une triste réalité : celui d’un long chemin encore à parcourir pour que toutes les Océaniennes prennent les décisions réfléchies sur leur contraception et évitent ainsi des grossesses non désirées. Sur le Caillou, plus d’un quart des jeunes filles calédoniennes entre 16 et 25 ans ont déjà eu une grossesse. Pour la moitié d’entre elle, cette dernière n’était pas désirée selon le dernier rapport en date de l’INSERM (mars 2011) sur la santé sexuelle des jeunes.

Et si c’était lui ?

 

 

Les avancées en matière de contraception chez l’homme sont aussi rapides que celle d’un escargot sur une feuille à poncer. Quasi le néant. Le marché ne séduirait-il pas les labos ? Quel homme sexuellement épanoui ne serait pas heureux de pouvoir avoir recours à d’autres méthodes que le préservatif ou la vasectomie pour contrôler sa fertilité ? Messieurs ! Réjouissez-vous, nous sommes les premières à également souhaite. Un « dommage collatéral » de la cause féministe que l’on assume à 100 % !

Hélas, la pilule contraceptive, qui représentait encore en 2016 le principal moyen de contraception d’une femme sur deux, selon l’Institut national d’études démographiques (INED), n’existe toujours pas pour les hommes. Petit espoir : un gel contraceptif pour hommes est à l’étude et une noisette de pommade serait capable de freiner la production de spermatozoïdes pendant 72 h.

Ne faites pas les malins, les chercheurs américains précisent qu’il vous suffira de faire pénétrer le gel sur vos bras et vos épaules pour qu’une fois absorbé par la peau ce dernier atteigne votre système sanguin et diffuse deux hormones de synthèse qui bloquent la production de spermatozoïdes. Les tests cliniques officiels débuteront en avril et pourraient s’étendre sur quatre ans. On a le temps de voir venir !

 

No Comments Yet

Comments are closed